Ayuda me [début de Alba et Jeremiah]

1er Octobre 2006, à une heure incertaine...

Sa mère lui racontait souvent quand elle était petite que les âmes des défunts protégeaient ceux qui leur étaient cher. Mais Alba se demandait souvent ce que foutaient les anciens. Sa vie avait été tellement misérable en Colombie.
Et maintenant, elle aimerait tant qu’il se décide enfin à bouger.

Elle ouvrit les yeux. Le bruit avait cessé, le tremblement aussi. Mais depuis combien de temps ? Elle se souvenait juste d’avoir eu le reflex de se jeter sous la table. Les rires s’étaient transformé en cri, puis un fracas. Après… le trou noir. Aussi noir que l’endroit où elle se trouvait. Petit à petit sa vue s’accoutuma et elle distingua un petit faisceau de lumière. Elle tenta d’étendre ses membres recroquevillés, mais il n’y avait pas beaucoup de place. Elle était recouverte d’objets, et sa tête lui tournait. Elle sentit un picotement au niveau de l’arcade sourcilière. Sa respiration s’accéléra soudain et elle paniqua.

- Au secours, au secours.. Quelqu’un ? Est-ce que quelqu’un m’entend ? … Dios mio.

Enfermé sous la table, elle-même recouverte d’une bibliothèque de gravas. Quoi d’autre ? La table résisterait-elle ? Quel poids risquait de l’écraser ?

- Socorro… s’il vous plait… Ayuda… aidez-moi !!

Elle gigota et se débarrassa des livres qui la recouvrait. Elle se rendit compte que le sien était toujours là. En s’agitant, elle sentit le bois craquer au-dessus de sa tête. Elle s’arrêta net et bloqua sa respiration, puis soupira un grand coup. Il n’y avait rien à faire… attendre et mourir ?
Non… NON… Certainement pas.
Alba se mit à pleurer.

Putain... Sa tête... Jeremiah reprenait doucement conscience. Le froid du carrelage lui apprit qu'il n'était pas dans son lit et il se rappela où il était : la bibliothèque. Il ouvrit les yeux et son regard bleu se fixa sur le toit de l'édifice. Il y avait des lézardes partout. Mais que s'était il passé ?

Il s'assit en se frottant les tempes. Il n'avait mal nulle part, c'était déjà ça. A part un mal de crâne carrabiné mais ce n'était surement rien par rapport... Il eut alors conscience du silence oppressant qui régnait dans les lieux. Il regarda autour de lui et eut le souffle coupé par le spectacle de désolation et de mort qui s'offrait à lui. Il y avait des dizaines de corps, certains écrasés par des pans de murs, d'autres par des étagères effrondrées, d'autres encore qui semblaient avoir été foudroyés sur place. Il reconnut la fille qui était devant lui dans la queue tout à l'heure. Morte. Comme le réceptionniste et le vigile.
Il eut un haut le coeur et dut se dépêcher de se tourner pour ne pas se vomir dessus.

Il laissa passer quelques minutes, abasourdi par ce qui avait eu lieu autour de lui, n'y comprenant rien. Il regarda sa montre mais elle avait eu le cadran explosé. L'horloge du batiment ne valait guère mieux. Toutes les deux indiquaient 15h00. Au moins, il connaissait l'heure de la catastrophe... Piètre consolation.

- Au secours, au secours.. Quelqu’un ?

Au début, il crut qu'il avait rêvé cet appel au secours si lointain.

- Est-ce que quelqu’un m’entend ? … Dios mio.

- Shit... jura-t-il entre ses dents, réalisant soudain qu'il n'était pas seul dans ce charnier.

Il se dirigea vers ce qu'il pensait être la direction des cris. Il arriva dans le hall où la situation n'était guère plus rassurante.

- Socorro… s’il vous plait…

Cela venait de la pièce d'à coté. C'était faible mais il en était sur. Il se mit à courir, oubliant ses courbatures, les corps sans vie et le sang autour de lui. Il glissa sur des gravats, manqua de se ramasser par terre plusieurs fois mais continua dans la direction des appels au secours.

- Ayuda… aidez-moi !!

Là ! Sous cette table ! Sous les gravats, il y avait quelqu'un de coincé !
Il haletait, essoufflé. L'étagère que retenait la table craqua. La pauvre fille qui était là dessous allait crever s'il ne faisait pas quelque chose !

- Je suis là ! cria-t-il avec son accent US en enlevant les livres et les gravats pour dégager un passage.

L'étagère craqua de plus belle, menaçante. Il s'arc bouta contre elle pour l'empecher de glisser et d'écraser la table et la fille.

Cette saloperie était lourde ! Du chêne brut et des tonnes de connaissances ! Il poussa de toutes ses forces, bénissant ses docks martins de ne pas déraper sur le sol de marbre.

- Sortez... grinça-t-il des dents. Je la tiens...

Alba entendit des pas approcher d'elle, puis elle sentit la bibliothèque bouger. Quelques livres tombèrent. La personne qui s'efforçait de la sortir de ce pétrin semblait lutter. La table craqua et elle frémit émettant un petit cri. Elle rassembla ses esprits. Le filet de lumière devint plus vif et elle comprit qu'on essayait de la faire sortir de là. Tétanisée, elle n'osait pas bouger.

- Sortez... grinça-t-il des dents. Je la tiens...

Alba leva ses yeux vers la voix, mais le contre-jour l'empêchait de bien distinguer la personne qui lui parlait. Elle jaillit comme un chat à qui on aurait marché sur la queue. Son livre toujours à la main, elle s'apprêtait à fuir lorsqu'elle vit les cadavres tout autour d'elle. Elle poussa un hurlement et alla se recroqueviller dans un coin, fuyant cette vision d'horreur.

- Dios mio, Dios mio, no puedo creerlo... madre mia... Estoy soñando... Estoy soñando...

Les yeux grands ouverts, les larmes coulaient. La terreur qu'exprimaient ses traits n'avait pas d'égale.
- C'est pas vrai, c'est pas vrai... je vais me réveiller!

Elle enfouit son visage dans ses mains et appuya son front contre ses genoux.

Dès qu'elle se fut extirpée de là, Jeremiah lâcha l'étagère qui s'écroula sous son poids. La table fut réduite en miette dans une gerbe de poussière. Il toussa un peu et s'éloigna.

- C'est pas vrai, c'est pas vrai... je vais me réveiller!

Elle paniquait. Quoi de plus normal après tout ? Il s'étonnait lui même de ne pas avoir cédé à la panique. Sans doute parce qu'il était venu à son secours, sinon il serait sans doute en train de courir partout en hurlant à l'heure qu'il était.
Il s'approcha d'elle et s'accroupit. Il posa une main sur ses genoux.

- Il faut sortir d'ici, dit il d'une voix douce et rassurante. Venez...

Comme un fil invisible, Alba sentit que sa survie était liée à cet homme. Elle n'avait pas le choix en même temps, il semblait être le seul encore vivant.
Elle ferma les yeux et respira profondément. Elle se sentait oppressée, appeler de partout et il y avait comme une sorte de bourdonnement dans sa tête. Dés qu'elle rouvrit les yeux, elle eut l'impression de ne plus savoir où les poser tellement elle voyait de choses... affreuses!

Un instant, ses yeux tournèrent dans ses orbites et elle faillit perdre connaissance, mais le contact de la main du jeune homme sur son jean la ramena à la réalité. Elle se leva lentement s'appuyant sur le mur pour s'aider. Elle regarda le type qui l'avait sauvé.
- Je ne sais pas qui vous êtes, mais gracias... Merci! Sans vous, je serai sûrement morte maintenant.

Elle renifla et essuya ses larmes. Impossible de les arrêter, pas plus que le tremblement qui l'agitait. Elle serra d'avantage le livre contre elle, comme si, aussi précieux qu'une bible, il pouvait la sauver.
- Dios mio... Es increible... No puedo creerlo...

Dans ses phrases, elle semblait oublier la présence de son sauveur. Elle se retourna brusquement et posa son front contre le mur pour fuir à nouveau la vision d'horreur qui s'offrait à eux. Puis, lentement, elle tourna la tête vers le regard bleu acier inquiet qui ne l'avait pas quitté des yeux.
- Je... Je m'appelle Alba... Je suis désolée d'être ainsi... j'ai peur...

Alba se mordit la lèvre pour faire abstraction de sa peine et de son angoisse, tâchant autant que possible de faire bonne figure.
- Et vous?

Il s'était levé en même temps qu'elle, prêt à la rattraper si elle tournait de l'oeil. Il aurait été bien embêter si ça avait été le cas d'ailleurs... Elle serrait son livre désespéremment. Elle avait sans doute besoin de se raccrocher à quelque chose. C'était tellement normal ! Lui décida de se raccrocher à sa présence pour ne pas devenir cinglé dans ce chaos et essayer d'oublier qu'ils étaient entourés de cadavres.

- Je... Je m'appelle Alba... Je suis désolée d'être ainsi... j'ai peur... Et vous?

Elle était terrifiée, il était son seul repère pour le moment, parce qu'il était vivant. Tout simplement parce qu'il était vivant.

- Jeremiah.

Il ne lui dit pas qu'il avait tout autant la trouille qu'elle. Le silence était assoudirsant et lui faisait craindre le pire. Vu qu'il n'y avait aucune sirène de pompiers, aucun secouriste, il se demandait si la bilbliothèque avait été la seule touchée. Il crevait de trouille de découvrir ce qui se passait dehors. Il se demanda soudain si Katie et les autres... Non, il ne fallait pas y penser, pas maintenant !
Il se passa la main gauche sur le visage pour éviter de craquer. Il avait une grande cicatrice blanchatre qui contrastait avec sa peau légèrement halée et qui barrait le dos de sa main. C'était une cicatrice parfaite, rectiligne.

- Il faut sortir d'ici, Alba, dit il soudain d'une voix qu'il essayait d'avoir assurée mais qui tremblait un peu.

Il s'approcha d'elle et la prit par les épaules.

- Can... Tu peux marcher ? Rien de cassé ?

Voilà. Se concentrer sur elle et son état. Si elle était blessée, il la porterait.

Alba se détacha de lui pour voir si elle tenait sur ses jambes.
- Oui, je peux... c'est un miracle. Cette table m'a sauvé. Et vous?

Elle jeta de furtif regarda autour d'elle.
- Je ne comprends pas comment nous avons... survécu.

Elle eut plusieurs hoquet, retenant de nouveau ses larmes.
- Nous aurions du...
Non il ne fallait pas y penser. Mais à voir ce qui les entourait... peut être aurait-il mieux valu...
Il régnait un silence glacial autour d'eux et dehors, il ne semblait pas y avoir d'animation non plus. Pas une sirène.
- Depuis combien de temps sommes-nous ici? Les secours devrait déjà être là. Ils ont forcement été prévenu... non?

Alba commença soudain à montrer une anxiété nouvelle.
- Il y a d'autre survivant... c'est obligé... non... nous devons faire quelque chose... Jeremiah...

Disant cela, elle s'était accrochée à la chemise du jeune homme et fixait ses yeux d'un bleu glacial. Il semblait être perdu lui aussi.

- Oui, je peux... c'est un miracle. Cette table m'a sauvé. Et vous?

Oui c'était un miracle s'il s'en était sorti. Tous les autres étaient morts autour de lui et il avait à peine quelques égratignures...

- Je ne comprends pas comment nous avons... survécu. Nous aurions du...

Il ne savait pas trop comment faire. Sa détresse le dépassait, manquant de faire ressortir la sienne. Il ne fallait pas penser à Katie. Il se répéta qu'il devait se concentrer sur Alba pour ne pas tourner dingue.

- Depuis combien de temps sommes-nous ici? Les secours devrait déjà être là. Ils ont forcement été prévenu... non? Il y a d'autre survivant... c'est obligé... non... nous devons faire quelque chose... Jeremiah...

- Je...

Il était incapable de lui mentir. De toute façon, il se sentait prêt à craquer lui aussi.

- J'en sais rien, avoua-t-il un étranglement dans la voix qu'il réprima aussitôt.

S'il paniquait, elle paniquerait aussi. Il ne fallait pas. Quelqu'un avait besoin qu'il tienne bon. Elle avait besoin de lui. Refouler ses émotions, ses craintes, voilà c'était ce qu'il avait de mieux à faire.

- Sortons. Les secours ne sont peut-être pas très loin ?

Il voulait y croire ! Sortir dans la rue et trouver des putains de camions de pompiers et des flics par milliers ! Des journalistes avec leurs caméras aussi ! On parlerait d'attentats, il irait se faire soigner dans un hosto, Katie viendrait le voir de temps en temps... Merde, Katie...
Il regarda Alba et la prit à nouveau par les épaules.

- Allons y. Tu vas arriver à marcher ?

- Oui ça va aller... merci!

Alba tenta de sourire, espérant que son visage ne déforme pas cette tentative en grimace. Il semblait désemparé et quelque part elle sentait que sa présence le rassurait. Elle devina l'effort qu'il faisait pour ne pas céder à la peur. Ils en étaient rendus au même résultat. Elle mit ses mains sur les siennes quand il les posa sur ses épaules. Respirant un grand coup, Alba parvint à se calmer.
- Sortons d'ici! Et tâchons de ne pas regarder autour de nous.

Elle prit l'initiative de passer devant, essayant ainsi de vaincre sa peur. Elle tâtonnait, fixait des points qui l'empêchaient de poser ses yeux sur les cadavres. Le sachant derrière elle, Alba reprit confiance.

Au bout de quelque pas, ses yeux tombèrent sur le groupe d'étudiant qui s'était moqué d'elle. La blondinette avait les membres complètement disloqués. Elle détourna vivement la tête et sentit ses genoux fléchir. Elle lâcha un instant la main de Jeremiah pour s'appuyer à une bibliothèque encore debout (on ne sait par quel miracle). Alba cacha son visage un instant au creux de son coude ; sa respiration s'était accelérée. Puis, son bras lui cachant la scène, elle continua sa progression vers la sortie.

C'était l'enfer sur terre ! Il faisait un effort pour éviter de fixer le sang et les corps disloqués et sans vie. Il se demanda s'il y avait d'autres survivants dans la bibliothèque mais ne se sentit pas le courage d'aller inspecter les lieux pour le moment. Et ce serait le boulot des secours ! Pour le moment, il ne souhaitait qu'une chose : sortir de là !
Quand Alba s'appuya contre l'étagère, il craint qu'elle se mette à craquer. Il s'approcha, la dominant de toute sa taille. Elle s'était arrêtée devant un groupe de corps. Des amis à elle ? Il espérait que non. Elle se remit en route.
Jeremiah essayait de ne pas penser, de se concentrer sur le fait d'avancer vers la sortie. S'il essayait d'apporter une présence rassurante à la jeune fille qui l'accompagnait, il devait reconnaître qu'elle l'aidait aussi grandement à ne pas devenir cinglé.

Leurs pas résonnaient étrangement dans ce silence pesant. De temps à autre, on entendait une chute de débris ou peut-être une étagère quelque part qui s'effondrait.

- Pourquoi on n'entend pas les sirènes ? demanda-t-il tout à coup, n'en pouvant plus de ce silence.

Alba n'osait répondre, sa gorge était nouée. Elle lui prit fermement la main et accéléra sa progression vers la sortie. Ils sortirent de la salle d'étude et débouchèrent dans le hall de la bibliothèque. Il n'y avait personne ! L'escalier menaçait de s'effondrer, pourtant il fallait bien redescendre. L'ascenseur? Mieux valait éviter de rester coincé. Alba regarda tout autour d'elle cherchant un moyen de s'échapper d'ici. Elle s'approcha d'une vitre explosée qui donnait sur l'extérieur. Jusqu'ici, elle n'avait osé le faire. Ils étaient au 3ème étage. A cette hauteur, il distinguait que quelques rues alentour, pas bien loin en somme.

Le paysage qui se présenta à elle, faillit lui arracher un cri qu'elle étouffa. Elle tomba à genoux et se tourna vers Jeremiah. Elle se releva le plus vite possible et se jeta sur lui, posant ses mains sur son torse.
- Non ne regarde pas...

Pourtant, il serait obligé de voir en sortant...
Se concentrer sur la sortie!!
- Il faut sortir...

Il regardait aux alentours, cherchant comment ils pourraient descendre quand il entendit un cri étouffé. Il allait s'approcher quand elle se jeta sur lui avec désespoir.

- Non ne regarde pas... Il faut sortir...

Le regard qu'il lui adressa était au bord de la panique. Il n'y avait donc pas que la bibliothèque. Que s'était il donc passé ? Un attentat ? Une bombe ? Une catastrophe naturelle ?
Il l'écarta doucement par les épaules. Il devait voir par lui même. Il n'en avait pas envie mais en ressentait le besoin. C'était plus fort que lui.
La gorge nouée, le coeur battant, il alla jusqu'à la fenêtre.

- Holy shit ! fit il d'une voix étranglée.

Les yeux écarquillés, il ne croyait pas ce qu'il voyait. L'enfer. Dans la rue, tout était détruit et il y avait des voitures dans tous les sens, des corps aussi. Au loin, il pouvait apercevoir des colonnes de fumées. Mais surtout, il n'y avait aucun mouvement. Rien. Comme si Alba et lui étaient les seuls survivants d'un désastre sans nom.
Il retourna vers elle, l'air désemparé et perdu. Il la regarda et prit sur lui. Toujours la même chose : elle avait besoin d'aide, elle avait besoin de lui pour le moment. Il serait temps de paniquer ou de péter les plombs après.

- Il faut trouver un moyen de descendre, dit il d'une voix plus sûre.

Elle retourna lui prendre la main:
- On va essayer de s'en sortir. Si on est vivant, il doit bien y en avoir d'autre. On va s'en sortir.

Elle approcha de l'escalier et posa doucement son pied sur la première marche. Il grinça furieusement, mais il ne se passa rien. Elle posa son deuxième pied sur la même marche. Apparemment, il semblait tenir. Elle remonta sur le palier.
- Je pense qu'on peut y arriver. Il va falloir longer le mur pour être sûr qu'il ne s'écroule pas. Tu veux que je passe devant?

Elle réalisa qu'elle avait oublié son sac. Lui servirait-il seulement à quelque chose. Elle chercha dans sa mémoire ce qu'il y avait dedans : un portable, des mouchoirs, des chewinggums, une serviette hygienique, son porte feuille... de l'argent donc? A quoi bon tout ça pouvait-il lui servir à présent? De quoi écrire ! Machinalement elle fit demi-tour.
- Ne bouge pas pas, je reviens.

Elle courut vers la porte de la salle d'où il venait. Elle s'arrêta devant, prit son souffle et fonça à l'intérieur.

Jeremiah attendit ainsi un temps. Cela lui sembla une éternité, mais ce ne fut l'affaire que de quelques minutes... 5 pas plus. Au bout de ce temps, il y eut un bruit de chute sourd.

Il se demanda ce qu'il lui avait pris tout à coup. Peut être avait elle oublié quelque chose là bas ? Son sac peut être.
Il en était à regarder si l'escalier allait tenir quand il entendit un bruit sourd. Quelque chose était tombé !

Aussitôt, il se mit à courir.

- Alba !

Il entra dans la pièce qu'ils venaient de quitter, le coeur battant.

Alba était sur le seuil de la porte, sans une égratignure, les épaules levée et cet air crispé de quelqu'un qui vient de sursauter.
- Je n'ai rien... Tout tombe en ruine. Mieux vaut ne pas traîner.

De nouveau, elle l'entraîna vers l'escalier.
- Je passe devant.

Elle rangea le livre dans son sac. C'était une action stupide, mais elle se sentit obligée de le faire. Puis elle mis le sac sur son dos et avança à pas lent le long du mur en descendant les marches une à une.
Elle leva les yeux vers Jeremiah, retenant sou souffle.
- Si j'arrive au pallier en dessus j'essayerai de voir si je trouve quelqu'un ou quelque chose qui puisse nous aider...

- Je n'ai rien... Tout tombe en ruine. Mieux vaut ne pas traîner.

Il soupira de soulagement. Elle était entière !

- Recommence pas à me faire une peur pareille.

Il n'avait aucune envie de se retrouver tout seul et encore moins de la voir mourir. A deux, ils pouvaient s'épauler, s'en sortir, éviter de finir fous dans cette ville en ruines.
Il la regarda ranger son livre dans son sac en se demandant vaguement ce que pouvait être pour qu'elle retourne là dedans.

- Je passe devant. Si j'arrive au pallier en dessus j'essayerai de voir si je trouve quelqu'un ou quelque chose qui puisse nous aider...

- Je te suis comme ton ombre. On ne se sépare pas. Trop dangereux.

Il tata la première marche du pied.

- Reste bien le long du mur, c'est là que ce sera le plus solide.

Du moins, il l'espérait. Comparé à elle, il n'était guère un poids plume et la structure en avait pris un sacré coup. De toute façon, il n'y avait pas d'autre solution alors autant se lancer et advienne que pourra !

Alba fit encore quelque pas. L'escalier était de plus en plus grinçant.
- Je pense qu'il vaut mieux qu'on passe l'un après l'autre... ça sera plus prudent. Ne t'inquiète pas, tu peux suivre ma progression jusqu'au prochain palier d'où tu es.

Elle poursuivit prudemment. Elle retenait son souffle à chaque marche, tremblant comme une feuille à chaque grincement. Elle se souvint alors de la première fois où elle avait fait de l'accro branche. Elle tremblait de peur et d'excitation à la fois, mais ne pouvait s'empêcher d'avancer. C'était un peu la même sensation. Elle tenta d'oublier alors la catastrophe et de trouver un aspect ludique à la chose pour oublier la terreur qui l'habitait.

Elle parvint enfin au second palier.
- Plus que 2 et on est en bas. A toi Jeremiah!

Elle regarda autour d'elle cherchant quelque chose qui aurait pu assurer sa descente. Mais à part des livres, de disques et des films, il n'y avait que des archives ici. Les portes étaient closes à cet étage. L'une était recouverte de sang. Elle détourna le regard et reporta son attention vers Jeremiah. Inconsciemment, elle se mit à prier dans sa tête.

Il la regarda descendre, l'angoisse au ventre. Des milliers de questions l'assaillaient : et si elle tombait ? et si le mur s'effondrait ? et si l'escalier ne tenait pas ? qu'allait elle trouver en bas ?

Il avait retenu sa respiration sans le vouloir jusqu'à ce qu'elle arrive en bas. Bien. Elle y était arrivée.

- Plus que 2 et on est en bas. A toi Jeremiah!

Il posa son pied sur la première marche, serrant les dents. ça grinçait terriblement et il avait l'impression qu'il allait se retrouver plusieurs étages en dessous sans avoir le temps de comprendre ce qui lui arrivait.
Il descendit très prudemment, assurant chacun de ses pas, collé au mur. Il ne regardait que les marches sur lesquelles poser ses pieds et, de temps en temps, adressait un regard encourageant à Alba.

Il n'était pas rassuré, même s'il s'évertuait à faire bonne figure avec elle depuis le début, il était inquiet. Alba aurait aimé faire quelque chose pour lui, l'aider. Mais à présent, il ne pouvait compter que sur lui. Elle était trop loin pour le guider. Elle se souvint néanmoins de son trajet sur l'escalier. Ses yeux ne quittaient pas Jeremiah et elle se mordait la lèvre a chacun de ses pas.
Elle finit par lui dire doucement:
- Courage...

Il était bientôt à son étage, plus que quelques marches. Elle s'approcha de lui et souffla un grand coup lorsqu'il la rejoigni. Alba ne pu réprimer sa joie.
- Contente de te revoir!

L'étage où il se trouvait ne présageait rien de bon. Il ne devait pas y avoir plus de vivant ici:
- Qu'est-ce qu'on fait? on explore pour trouver d'autres personnes? ou on continue vers la sortie? Tu crois qu'on peut trouver un téléphone?

Dehors, il n'y avait toujours aucun bruit.

- Contente de te revoir!

Il ne cacha pas sa joie d'être enfin arrivé à bon port. Quoi que ce ne soit qu'une étape ! Ils avaient encore 2 étages à descendre.

- Et moi donc !

- Qu'est-ce qu'on fait? on explore pour trouver d'autres personnes? ou on continue vers la sortie? Tu crois qu'on peut trouver un téléphone?

Il avisa la porte pleine de sang. Il ne se sentait pas le courage de chercher parmi les cadavres mais si jamais il y avait quelqu'un d'autre de vivant, ils ne pouvaient pas le laisser crever comme ça. Il en était venu à cette réflexion après avoir vu l'état de la ville : il était vain de compter sur des secours. Si jamais il y avait encore des survivants, ils étaient sans doute aussi paumés qu'eux.

- Je doute qu'on trouve un téléphone en état de marche. Mais on peut toujours regarder.

Alba semblait retrouver un certain aplomb et il lui en était reconnaissant. ça lui permettait aussi de se reprendre. Il avait toujours la trouille mais l'instinct de survie était le plus fort et il comptait bien s'en sortir.

- Allons voir par là, dit il en lui désignant une autre porte que celle couverte de sang.

Alba décida de passer devant. Etait-ce pour lui montrer son courage? Par curiosité? Ou simplement par spontanéité. Depuis qu'elle avait vu la ville, il y avait eu une sorte de déclic en elle. La seule personne qui comptait était Mme Debuisset. En dehors de cette femme, personne ne l'attentait dehors. Etait-elle toujours en vie? Alba pensa aussi à ce que pouvais ressentir Jeremiah. Lui aussi devait avoir de la famille, des amis, peut être même une femme et des enfants... Il devait être mort de trouille. Pour lui, il fallait être forte!

Lorsqu'elle entra, le même désordre qu'à l'étage du dessus régnait. Dans cette salle, il y avait moins de cadavre, mais toujours pas de survivants. Comment le sort avait-il pu s'acharner autant sur la population de cette ville? Cela en était insoutenable. Le fait est qu'il n'y avait rien à faire les 4 pauvres malheureux de cette salle d'archives. Alba passa derrière le comptoir se retenant de vomir et saisit le téléphone.
- Pas de tonalité!

Puis elle rejoignit vite Jeremiah, cherchant du regard quelque chose qui put leur être utile. Un vague souvenir de son enfance lui traversa l'esprit et elle s'approcha des autres morts pour les fouiller. Après tout, c'était tout ce qui lui restait à faire. Elle trouva un paquet de cigarette, un briquet de la monnaie. Cette dernière ne servirait à rien. Alba n'avait jamais fumé, mais elle se demandait si ce n'était pas le moment pour commencer. Il y avait de quoi devenir fou ici. Elle crut entendre quelque chose... mais non rien, juste son cœur qui battait de plus en plus fort.
- Regarde si tu trouves quelque chose sur les autres... je vais voir ce qu'il y a au fond de la salle.

De longues rangées d'étagères remplies de documents s'alignaient sur quelques mètres.

- Pas de tonalité!

Il haussa les épaules. Il s'en était douté mais n'avait pas voulu casser un espoir qui aurait pu être salutaire. Il aurait préféré se tromper bien évidemment !
Quand il la vit fouiller les cadavres, il eut un haut le coeur et se tourna rapidement, craignant de rendre son déjeuner. Heureusement, il réussit à réprimer sa nausée et c'est un gout acide dans la bouche qu'il la regarda faire.

- Regarde si tu trouves quelque chose sur les autres... je vais voir ce qu'il y a au fond de la salle.

Elle avait du cran, c'était évident. Et il s'en voulut aussitôt d'avoir eu cette faiblesse. Il ne fallait pas craquer. Elle avait raison, on pouvait peut être trouver quelque chose d'utile pour survivre dans ces poches. De toute façon, ils n'en auraient plus besoin.
Réprimant une nouvelle nausée, il s'accroupit devant un cadavre, évitant de regarder son visage. L'homme avait les yeux grands ouverts et Jeremiah avait toujours eu horreur de ça sur les animaux, alors sur les humains... Il avait l'impression que le mort l'accusait de le détrousser.

- Oh la ferme, dit il au cadavre pour se calmer les nerfs avant de plonger les mains dans ses poches en réprimant son dégout.

A part des clés et un badge d'identité, ce type n'avait rien sur lui. Il reposa le tout sur le corps. Si jamais quelqu'un voulait l'identifier, il aurait au moins sa carte d'accès...
Il se pencha sur le second cadavre et ne fit pas autant de manière. Le tout était d'oublier que ces corps avaient été des personnes, avec une famille et tout le tremblement.
Des clopes cette fois. Jeremiah les empocha. Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas fumé, des années même, mais il se dit qu'après tout, maintenant, crever d'un cancer ou en tombant d'un escalier en ruine... Et ça calmerait ses nerfs. Il trouva le briquet qui allait avec et le prit aussi. Il continua à fouiller mais sans rien trouver de plus.
Il avisa un sac à dos à côté d'un bureau défoncé. Il aurait peut être plus de chance. Il dédaigna le lecteur MP3 mais examina le portable.

- Merde...

Le téléphone n'était pas HS mais ne captait plus rien. Il le garda, juste au cas où. Il avait peu d'espoir malgré tout que ce truc remarche un jour. Dans le sac, il trouva enfin quelque chose qui pouvait être réellement utile : ce type avait un couteau suisse !

- Thank god ! marmonna-t-il en le serrant dans son poing.

Il se releva et chercha Alba du regard.

- Alba ? Tu trouves quelque chose ?

Alba continuait d'avancer entre les rangées. Il n'y avait pas grand chose et les quelques personnes qui restaient ici était morte. Elle trouva une montre sur un corps, par chance elle semblait encore marcher. Un étudiant au fond de la salle avait un peu de nourriture dans son sac : Un paquet de gâteau et une bouteille de soda. Elle trouva aussi un baladeur MP3. Il fonctionnait encore et c'était ce grésillement étrange qu'elle avait entendue. Le type qui l'écoutait l'avait mis à fond et par chance il avait des piles vierges sur lui. Curieusement, elle décida de le prendre. "Là où est la musique, il n'y a pas de mal" disait Cervantès.

- C'est bon j'arrive!

Alba rejoignit rapidement Jeremiah.
- Il n'y a pas âmes qui vivent là bas. Je crains que nous ne soyons tout seul ici. Peut être aurons-nous plus de chance au premier? Il va falloir descendre de toute façon.

La jeune fille lui prit la main et l'entraîna sur le palier:
- Aller, viens... le temps passe et faut qu'on retrouve des gens avant que la nuit tombe. J'espère qu'on trouvera aussi un endroit où dormir.

Face à l'obstacle des escaliers, Alba soupira. Il fallait de nouveau prier pour qu'il tienne jusqu'en bas.

- C'est bon j'arrive!

Encore une fois, il se sentit soulagé à la voir. Il ne tenait pas à perdre la seule personne en vie qu'il avait rencontré.

- Il n'y a pas âmes qui vivent là bas. Je crains que nous ne soyons tout seul ici. Peut être aurons-nous plus de chance au premier? Il va falloir descendre de toute façon. Aller, viens... le temps passe et faut qu'on retrouve des gens avant que la nuit tombe. J'espère qu'on trouvera aussi un endroit où dormir.

Etrange comme sa main dans la sienne était devenu rapidement un repère, le seul en fait qu'il ait pour le moment. Lui qui n'était pas pas trop du genre à tenir une fille par la main... Katie se moquerait bien de lui en le voyant faire. Katie... Il fallait qu'il se rende chez elle ou à son boulot, qu'il la voie en vie, qu'il la serre contre lui ! ça devenait urgent !
Alba s'était arrêtée devant les escaliers ce qui le sortit de ses pensées.

- On va encore devoir jouer aux acrobates, dit il en regardant l'état de l'escalier.

Ce n'était pas pire que l'autre mais il ne fallait jamais préjuger de ce qu'on pouvait voir dans un cas pareil.

- Quand faut y aller...

Dehors, le ciel s'assombrissait, signe que l'après midi touchait presque à sa fin. Il n'avait aucune envie de se retrouver dans le noir avec tous ces cadavres et sans pouvoir avancer.

- Dépêchons nous. Veux tu que je passe devant cette fois ?

- Non, il vaut mieux que j'avance la première...

Elle testa les premières marches:
- ça devrait aller!
En descendant, elle tachait de bien retenir chaque marche sur laquelle elle posait son pied. Certaines semblaient plus dangereuses que d'autres. L'une d'elle craque sous son pied. Elle ne put retenir un cri d'effroi. Plus de peur que de mal, l'escalier ne bougea pas. Alba ne put s'empêcher d'accélérer la descente, terrorisée par cet incident. Elle sauta de la 4eme marche sur le palier.
En atterrissant, elle tomba en avant et s'accrocha fortement au sol, comme si celui-ci allait lui aussi s'effondrer. Lorsqu'elle réalisa que tout allait bien, elle s'assit et regarda vers Jeremiah. Son cœur battait toujours aussi fort. Une chose était sûr... tout allait bien.
- C'est bon, à toi!