Jaguar Noir

"Je l'ai endormi... "

Alvarez alla à la fenêtre:

"JUAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAN ! Regarde dans la jeep s'il n'y a pas des menottes ! VITE ! J'ai attrapé le fou furieux."

Puis il se concentra de nouveau sur Angelyne.

"Vous êtes sérieusement blessée. J'ai bien soigné quelques animaux, mais là ça me semble hors de portée. Je vais vous faire un point de compression, pour que l'écoulement cesse et un bandage si j'en ai pris assez au zoo...

Gardez l'autre malade en vue.
En théorie, avec une telle fléchette, il en a pour plusieurs heures. Mais au vu des événements étranges qui balisent cette journée, il pourrait se remettre plus vite..."

Tout en sortant les bandages de son sac, Alvarez entama la conversation.

"- Il vous voulait quoi ce type ?
Vous auriez de l'alcool, du sparadra et de la bande ?"

- « Ay ! Né crie pas comme ça. »

Alvarez vit son visage rond juste en dessous. Juan était plaqué contre la paroi du premier étage.

- « Malheur… Je n’aie plus qu’à redescendre maintenant. »

- « Oui, il y a tout ce qu’il faut dans la salle de bains. Dans l’armoire. »

Angelyne devait beaucoup à cet homme… Encore une fois elle se laisserait tripoter, brièvement. Le temps nécessaire. Ensuite, ils se lasseraient, comme d’habitude.
Elle réprima un sourire. Sa situation ne portait pas à rire. Et chaque contraction musculaire était une vraie torture.

- « Je sais pas qui c’est. Il m’a dit que je n’aurais pas dû fourrer mon nez dans leurs affaires, et que maintenant j’étais… un dommage collatéral ; c’est le mot qu’il a employé. Pfff ! »

Elle réfléchit d’elle-même aux implications.

- « On dirait qu’il voulait me tuer parce que j’en saurais trop… et j’ai pas la moindre idée de ce que je suis censé savoir ! Je suis écrivain, moi, c’est tout ! »

Ne pas s’énerver. Cela faisait trop mal. Pendant que l’étranger fouillait dans ses affaires, elle repensa à autre chose.

- « Il a dit aussi : ‘Laisse tomber ; rends toi. On a déjà eu les autres… Je viens juste de buter ton Jonathan.’
J’ai rencontré un Jonathan, un sacré coureur... Mais on s’est pas rappelés. »

Et comment diable savait-il qu’ils s’étaient connus ? Bibliquement…

" Il est possible qu'il ait voulu parler de quelque chose en rapport avec le quartier Teotihuacan : la résidence Cihuacóatl.
Tout tourne autour de ce pays.
Le nom de David Garuda, de Robert de Nis vous disent-ils quelque chose ? Ah moins que le groupe "Black blocks" vous soit plus parlant."

Tout en parlant, Alvarez fouilla rapidement la salle de bain afin de trouver ce dont il avait besoin pour faire un pansement sommaire.

Intimant à la blessée de maintenir le point de compression, il s'empressa d'aller ligoter le tueur. Alvarez n'avait aucune envie de se faire entuber pour ce malade professionnel.

Il le fouilla succinctement pour voir s'il ne possédait pas de menottes, ça simplifierait les choses. Si ce n'est pas le cas, Alvarez se risque à poser la question à Angelyne. Elle semblait être de mœurs légères, se faire attacher était peut être un de ses hobbiess. En dernier recours, il l'attacherait avec des cables électriques, ceux d'une lampe par exemple.
Dans tous les cas il le ligote les mains dans le dos, mais en lui faisant passer un bras par "en haut", et l'autre pas "en bas", de sorte que la position soit inconfortable.






(*espère être clair* : il a donc un coude au niveau de la hanche, l'autre au niveau de la tête, les mains se rejoignant dans son dos.)

Angelyne ouvrit de grands yeux. Cet homme posait d’étranges questions. Et c’était un peu direct comme entrée en matière.

- « Hein ? Vous croyez que c’est le moment ? » - lâcha-t-elle, un peu acide.

Non mais ; ça le regardait, comment elle passait son temps au lit ? Ou ailleurs ? Manquerait plus qu’il fouille dans sa lingerie aussi !

L’homme n’avait pas de menottes apparentes. Rien que ses armes, un chargeur, des jumelles de vision nocturne, et un talkie-walkie, tous accrochés à sa combinaison.
Elle comportait aussi une poche, encore inexplorée.

Juan remonta avec des câbles pour recharger les batteries. C’est ce qu’il avait trouvé de plus long et de plus résistant dans la jeep. Ils purent attacher fermement le tueur masqué, qui devrait pioncer un bon moment.

Angelyne poursuivit d’une voix faiblarde.

- « J’ai rencontré un David, pas plus tard qu’hier. Avec un petit groupe de survivants. Il voulait m’inviter chez lui, il a insisté, mais… j’ai continué seule, je voulais voir Cajou… »

Elle réprima un sanglot.

- « De Nis, je le connais aussi. On s’est rencontrés à un salon. On a longuement parlé. De tout et de rien. Et de nos théories sur le monde.
Mais je ne vois pas le rapport avec les ‘Blocks’ ; ce sont juste des jeunes un peu turbulents, déçus des mensonges de leurs aînés.
Vous savez, ce que raconte le gouvernement… les terroristes, tout ça… Si on critique, on est vite cataloguée. J’en sais quelque chose.
Sinon Cihuacoatl, à part la mère des dieux aztèques, c’est un immeuble en centre-ville... Là encore je vois pas le rapport. Pourquoi vous me demandez tout ça ? »

Face à la réaction indignée d'Angelyne, Alvarez se contenta de hausser les épaules tout en attachant le tueur avec l'aide de Juan.
Après s'être assuré de la solidité des liens, il s'empara de l'arme et des chargeurs, passant la première à sa ceinture et mettant les seconds dans son sac. Il vérifia si l'homme ne possédait pas un holster, ça faciliterait le port du pistolet. En dernier lieu Alvarez fouilla les poches de l'assomé et lui retira son masque.

Puis se retournant vers Angelyne :

"Si je vous demande ça c'est que l'on vient de chez Garuda, que l'on a retrouvé mort, tout comme Robert de Nis en face de chez qui il vivait. Garuda semblait espionner le journaliste et semblait également en avoir après vous. Sans un indice trouvé chez lui, nous ne serions pas venus ici.

Pour ce qui est du Mexique et de tout ce qui s'y rapporte, il semblerait que ce soit l'un des liens qui unit tous les cadavres retrouvés.

Qui est ce "Cajou" ?

Si je vous emmerde, ce que je peux comprendre, je peux aussi aller voir ailleurs si j'y suis. Vous sembliez en si charmante compagnie, je suis désolé de vous avoir dérangé."

Exaspéré par les événements de la journée, Alvarez n'avait aucune envie de prendre de gants. Son escalade improbable de la façade ainsi que la célérité dont il avait fait preuve face aux tueurs l'intriguait énormément.

Finalement, légèrement contrarié par le fait de s'énerver sur cette pauvre bonne-femme surement plus traumatisé que lui, il rajouta.

"Désolé, j'ai moi aussi passé une sale journée."

Le tueur n’avait ni holster ni pistolet. Juste un fusil d’assaut type AK-47, dans une version plus récente d’Europe de l’Est ; ainsi qu’un couteau de combat dans son étui.
Il y avait deux chargeurs vides, un au sol et un dans le fusil. Plus un chargeur plein, en 7.62 mm.

Le masque à gaz fonctionnait en complément de la combinaison. Elle offrait une protection NBC de base.

Dans une des poches, il y avait une enveloppe, contenant une série de photos avec nom et adresse.


Almena, Alba : Etudiante - Agora School
Assary, Alex : Etudiante - Agora School
Blackmore, Anthony : Postier - Poste
Blixen, Wolf : Capturé - Commissariat
Casaert, Mathieu : Evadé de l’HP - Recherché
Cypher, Jules : Etudiant - Agora School ou 68, avenue des asphodèles
Guerrabrandt, Angelyne : Ecrivain - Utopia (72 bvd Saint Christophe)
Johnson, Andrew : Avocat - Cabinet Stanley & Gifford (Cité Chantico)
King, Cassie : Internement - Hôpital Miséricorde.
Lambert, Cédric (Cactus) : SDF - Recherché
Lane, Jeremiah : Mécanicien Garage
Mayer, Carla Jean : Mère au foyer - Maternité
Olsen, Lizzy : Etudiante - Agora School
Yakoro, Vincent : Capturé - Tartare
Yale, Abel : Musicien, Routard - Recherché



Les photos suivantes étaient à part, barrées d’un trait.

Ever, Juna : Infirmière - Hôpital Miséricorde
Miller, Harmony : Etudiante - Agora School
Ever, Luka : Inspecteur - Commissariat
Dane, Orclé : Sans emploi - Hôtel Montcalm (122 avenue des asphodèles)
Garuda, David (Davy) : Dessinateur - Maison de couture (123 avenue des asphodèles)
Rezner, Lucie (Ash) : Commerçante - Boutique Drums & Basses
Willsdorff, Jacques : Militaire - Caserne du 103e RI
Yale, Jonathan : Photographe - Utopia (18 bvd Saint Christophe)


Toutes les photos avaient été prises sur un fond plus ou moins similaire. Un lit, ou un plan en inox. Et les personnes avaient soit les yeux fermés, soit grands ouverts et dilatés.



L’homme avait également deux badges magnétiques, l’un portant écrit BAumann Aaron Labs, avec en petit, le sigle BEL déjà aperçu.
Et le second badge, une simple carte noire bordée d'un liseré rouge.

Enfin, il avait une pellicule photo non développée.

Elle se figea un instant, surprise par la rudesse soudaine de ses propos. Ils étaient deux, deux hommes costauds et armés, qui faisaient aussi irruption chez elle d’un seul coup, qui violaient son intimité… Mais l’inconnu l’avait sauvé quand même… Elle se radoucit.

- « Oui… une sale journée. Pour tout le monde. Merci. Merci d’être intervenu. C’était courageux de votre part. »

Elle voulut sourire, mais grimaça de douleur en cherchant une position plus confortable, assise dos au mur.

- « Cajou, c’est… c’était mon chat. Une perle de chat… »

Sa voix s’étrangla. Elle eut un regard tendre pour le pauvre animal, à jamais endormi sur le sofa. Rigide et froid.
Il était mort dans son sommeil, pendant la catastrophe, comme tous les autres. Il n’avait pas souffert.
Mais ce salaud avait souillé son petit Cajou de ses balles, en tirant partout comme un fou. Elle allait lui faire payer… si elle s’en sortait.

Réfléchir. Elle faisait des efforts désespérés pour comprendre. Pour tenir bon malgré tout.

- « Ça expliquerait pourquoi il voulait à tout prix que je le suive… Je n’avais pas trop confiance en lui, de toutes façons. Il avait un drôle d’air… détaché, lointain. Le genre de gars qui semble concentré sur une voix intérieure… Paumé, quoi.

Alors ils ont tué Robert aussi… Il m’avait parlé de son idée de disparitions. Des SDF, des étrangers. Je me souviens de son article.
Il pensait que certains avaient réapparu pour commettre des meurtres. Et que comme par hasard, les victimes étaient toutes des personnalités très critiques des institutions.
Mais je ne voulais pas croire que ça puisse arriver ici. Pas dans notre pays. »

Un détail la troublait pourtant dans les propos d’Alvarez.

- « Le Mexique vous dites ? J’ai écrit une histoire qui se passait au Mexique… Vous êtes de là-bas ? »

Juan intervint à ce moment là, toujours avec son accent typique.

- « Si. On en vient tous les deux. J’ai parcouru votre livre, vous savez. Il était chez De Nis. Et les Suarto, le frère et la sœur, on dirait notre histoire à ma sœur et à moi ! Enfin presque. C’est vraiment incroyable pour moi. On dirait que vous nous connaissez ? Je m’appelle Juan, Juan Suarez. »

Angelyne parut sincèrement surprise.

- « Noon. Non, je ne crois pas. Je n’ai jamais entendu parler de vous. Mais… c’est vrai que j’ai moi-même découvert des coïncidences troublantes, des correspondances entre mon œuvre et la réalité… Je me dis que les écrivains sont un peu l’écho des évènements de ce monde, des prophètes modernes en somme… C’est la seule explication. »

Sinon ce serait vraiment trop incompréhensible, trop irrationnel.

- « Par exemple, les médecins dans mon premier roman. Le professeur Queens est assassiné par sa fille Carrie. Son bras droit, le professeur Beaumal, exploite les locaux mexicains en testant des nouveaux vaccins sur eux, de manière systématique, contre toute déontologie. Quitte à inoculer tous les patients de sa clinique. Jusqu’à commettre de graves erreurs de procédure médicale… Et une nouvelle maladie, de nouveaux symptômes apparaissent dans la population...

L’acquisition du crâne volé représente le pillage des ressources humaines, la destruction de populations pour l’enrichissement de sociétés supranationales - et tous les sacrifiés, au nom de la modernité, ou plutôt d’un progrès mercantile.

J’ai écrit ce livre il y a cinq ans. Or il y a deux ans, un docteur King a été tué par sa petite fille Cassie. J’ai découvert depuis qu’il dirigeait un laboratoire de recherches sur le génome humain. Celui qui l’a remplacé n’est autre que le professeur Baumann, l’héritier des laboratoires pharmaceutiques du même nom. Et avant d’en prendre la tête, il travaillait pour King au Mexique…
C’est dans le magazine Forbes. » - ajouta-t-elle au cas où il se demande d’où elle savait tout ça.

Alvarez commençait à être pris par un sérieux mal de crâne.
Toutes les informations se mélangeaient pour créer un umbroglio incroyable.
La journaliste écrivait des romans qui s'avéraient être prophétiques. Ce tueur, qui bossait pour les laboratoires BEL, ceux qui fournissaient son zoo, venaient de tuer une palanquée de gens, dont le fameux militaire de qui appartenait la jeep et dont Juan avait rêvé.

Si maladie il y avait, comme le disait Angelyne, cela pourrait expliquer les raisons de son réveil, saucissonné sur une chaise au milieu du zoo ainsi que ses "pouvoirs". L'escalade de la façade, les réflexes du tonnerre etc.

A Angelyne :
"Comment se termine votre bouquin ?
Quel genre de virus est ce ? Quels sont les conséquences sur le génome humain dont vous parlez... ?
Y a-t-il le moindre rapport avec la religion ? Que ce soit les croyances mexicaines ou la religion catholique."

A Alvarez, montrant les photos et les noms possédés par le tueur:
"Le militaire et cette femme, ce sont bien ceux dont tu m'as dit avoir rêvé ?"

Juan confirma qu’il s’agissait des mêmes.

- « Oui, leur tête me dit quelque chose ; c’est bien eux … Donc ils sont tombés entre les pattes de ce gars. Et il a aussi tué Garuda… Heureusement qu’on n’a pas juste foncé dans le tas ! T’as fait du bon boulot, Alvarez.
Et t’as vu ? On a du bol… on est pas sur la liste. »

Toutes ces questions la surprenaient, surtout dans son état. Angelyne fit un gros effort pour répondre.

- « Dans mon histoire, ce virus est une simple maladie. Mais elle résulte d’expérimentations sur des cobayes humains non volontaires. A cause de recherches sur la thérapie génique.
Des gens utilisés pour servir les intérêts d’une firme pharmaceutique. En leur faisant croire qu’on les vaccine, alors qu’on teste leurs réactions à un produit destiné aux plus riches.

Dans la réalité, le docteur King faisait partie de ceux qui ont cartographié le génome humain. Et avec son bras droit, Baumann, ils ont beaucoup travaillé sur le Mexique.
Peut-être ont-ils découvert quelque chose ? Seulement c’est pas dans mon roman.


Mon livre évoque effectivement des pratiques chamaniques, comme les esprits totémiques et la projection d’âmes. Mais ce n’est pas un livre religieux. Ni même un livre de science-fiction. On est plutôt dans le fantastique soft, ou dans la spiritualité. »

On disait que le réel était plus fort que la fiction… Pour le coup c’était mille fois vrai !


Restait la première question d’Alvarez. Raconter la fin n’avait aucun sens sans explications préalables.
En d’autres temps, elle n’aurait jamais révélé la fin d’un roman, mais là, elle doutait qu’il aie l’intention de l’acheter !

Si son ouvrage était prophétique au moment de son écriture, maintenant, il devrait révéler le passé :


- « Dans mon dernier ‘bouquin’, comme vous dites, Sarah Jane fait équipe avec un photographe, Nathan, et avec Albanez, un ami mexicain du jeune Suarto - celui qui a volé le crâne et qui a été pendu.

Dans le second volet, Albanez s’était fait embauché dans une clinique employant des compatriotes, et il avait remarqué que certains disparaissaient du jour au lendemain.

Pendant ce temps, le crâne était passé à un capitaine d’industrie, un plus gros requin que le professeur Beaumal, qui avait racheté son entreprise et tout ce qui s’y trouvait.
C’est une mystérieuse madame X qui a permis cette transaction, en faisant pression sur le professeur. Il avait trop de choses à se reprocher pour pouvoir refuser.
Elle s’évertue aussi à trouver d’autres crânes authentiques, pour le président de cette société.

Mais après cette fusion avec le groupe Ellipse, les choses ont pris un nouveau tournant.
Ce sont les gens de la ville qui disparaissent. D’abord les sans-papiers, et les sans-logis, puis les contestataires d’extrême gauche, enfin les syndicalistes, les avocats, les caricaturistes…
Et quand ils réapparaissent, c’est en exécuteurs zélés du pouvoir.

Après moult péripéties, madame X prévient de la présence d’un espion dans l’entreprise. Albanez est capturé et jeté dans une oubliette. Il frôle la mort de si près qu’il l’entend lui parler !
Mais il réussit à s’évader, et il brûle leur laboratoire secret en représailles.

Quant à la fin… le président est retrouvé mort, dans une pièce où il se trouvait seul. Saigné à blanc par les crocs d’un fauve.
Alors madame X dépose son crâne dans un coffre, en déclarant : « Trop de pouvoir en un seul homme mène à la folie. »

Puis, un inconnu rabat sa cagoule dans un escalier. Il sort son arme en montant des marches… jusqu’à la porte de Sarah Jane, qui caresse Cajou sur ses genoux. »


Elle avait beaucoup parlé. Elle était épuisée.

" Désolé de vous avoir importuné avec toutes ces questions...
Tout cela me laisse perplexe. Les éléments de roman que vous nous citez eurent lieu il y a quelques jours.

J'ai trouvé le journal intime de Garuda, il expérimentait un nouveau traitement médical, j'ai d'ailleurs du prendre les cachets trouvés chez lui.

Juan était guide au Mexique...

Je travaillais au zoo d'Epsilon et un groupe pharmaceutique était lié à mon patron et semblait faire des expériences sur les bêtes mexicaines.

Une sorte d'esprit nous a parlé il y a peu.

Et la fin de votre roman, vient de se produire..."

Alvarez désigne Cajou criblé de balles.

" Tout s'entremêle. Une idée de ce que pourrait être le crâne, dans le monde réel ?
Je pense que ce salaud va avoir quelques réponses à nous fournir."

Alvarez désigna le corps inerte du tueur qu'il entreprit de réveiller à coup de baffe après avoir vérifié les liens qui l'entravent.

"Juan, garde le en joue.
On sait jamais s'il rompt ses liens, il faudra... l'arrêter."

Angelyne n’en revenait pas elle-même.

- « Alors cette histoire… que je pensais avoir inventée… elle aurait des fondements réels, si je comprends bien. »

Voilà qui était très troublant, surtout pour un écrivain. Mais certains auteurs célèbres ne racontaient-ils pas qu’ils avaient parfois l’impression qu’on leur soufflait quoi écrire ? Comme si un esprit s’était penché sur leur épaule ?
Les anciens croyaient aux muses. Et Angelyne n’était pas loin de croire à… quelque chose, quelqu’un, qui aurait à cœur la vérité. Le monde était plus joli, vu comme ça, plus intéressant. Elle voulait croire à son ange gardien.

- « J’ai vu dans le journal qu’il y avait une expo maya au musée. Un crâne de cristal y est exposé. D’ailleurs j’ai pas mal étudié leur légende, pour mon roman. Vous la connaissez ? »




Alvarez et Juan étaient déjà partis s’occuper du tueur.
Apparemment, les deux hommes avaient l’air plus intéressés par leur enquête que de lui apporter vraiment des soins. Elle poursuivit, tout en se relevant, en prenant appui sur le mur. Elle laissait de grandes traces de mains rouges sur son papier peint.

- « Ma famille aussi a des origines mexicaines. Une Guerraband était dans la suite de Charlotte de Belgique ; elle est partie s’installer là-bas avec son mari, quand Napoléon III y a envoyé Maximilien.
Je sais que c’est pas un très bon souvenir pour le Mexique, mais je n’y suis pour rien… vous pourriez quand même m’aider… »

Et Angelyne se dirigea d’elle-même vers la sortie. Deux pas. Trois. Et tout devint sombre autour d’elle. Debout, ça n’allait vraiment pas bien.
Et vlan ! Elle s’affala de tout son long sur le divan. Evanouie.


Le type refusait de se réveiller pour l’instant. Il fallait juste attendre une bonne heure avant de pouvoir l’interroger.
Mais pendant ce temps, Angelyne perdait toujours son sang.

Trop préoccupé par les événements qui s'enchainaient, perdu dans ses réflexions, Alvarez avait complètement oublié les blessures d'Angelyne.

Il étouffa un juron quand, la voyant chanceler, il ne parvient pas à la rattraper.

"Et merde..."
S'exclama t il lorsque la jeune femme heurta le sol.

Après avoir confortablement allongée Angelyne, il partit alors chercher de quoi effectuer un bandage : de la bande, du sparadra et un désinfectant. Il avait soigné des bestioles, un tigre ou une bonne-femme, ça devait être du pareil au même. Dans le fond, elles sont toutes un peu sauvages.

Il désinfecta les plaies rapidement et entreprit de bander les blessures les plus importantes. Au besoin il se servit de tissus.

Une fois les premiers soins apportés, si la chose est possible, Alvarez place Angelyne en position de sécurité et part à la recherche d'eau et de nourriture dans l'appartement. Lorsqu'elle reprendra ses esprits, elle en aura besoin.

Il profita ensuite de l'instant de répits pour faire le tour des lieux, fermer la porte d'entrée, ou ce qu'il en restait et finit par aller se vautrer dans le canapé.

Juan rengaina la machette qu’il brandissait au dessus de la tête du gars, pour aider Alvarez à porter secours à la jeune femme.
Ils purent au moins stopper l’hémorragie. Mais pour s’en sortir, elle aurait besoin des soins d’un vrai docteur, ou de quelqu’un plus spécialisé qu’eux. Elle avait quand même deux balles dans le corps, et il faudrait bien les extraire pour qu’elle survive.

Par contre, impossible de refermer la porte d’entrée… elle n’était ni dans le couloir ni dans l’appartement. Elle avait totalement disparue !

Alvarez trouva la nourriture recherchée, et des tas de livres, de papiers, manuscrits ou documents, des années d’écriture et de recherches.

Un dossier attira son attention. Elle avait collé dessus la photo d’un fauve…
Il y avait plusieurs photocopies d’articles de journaux, sur les évènements réels déjà évoqués. Tout provenait d’Alexandria. La grande bibliothèque. Les emprunts dataient de cette année.

- la cartographie du génome humain, avec les travaux de King en Amérique centrale
- une nouvelle maladie au Mexique, avec troubles mentaux

- la mort du généticien King et de ses proches, membres d’Eucalyptus, société pharmaceutique
- l’internement de sa petite fille de huit ans, pour meurtres

- la prise de contrôle d’Eucalyptus par Aaron Baumann ; fondation de BEL
- le rachat d’Eucalyptus par le groupe Eclypse.


Angelyne avait donc bien conscience de ces "coïncidences troublantes". Mais elle n’avait réalisé qu’après coup à quel point fiction et réalité se confondaient. Et elle devait avoir du mal à se l’admettre…

Peut-être était-ce pourquoi elle s’intéressait autant à l’ésotérisme depuis ? Des sagesses ; des traités sur la méditation et sur le corps astral ; des ouvrages new age vantant les vertus des cristaux.
Et un livre sur les crânes du même matériau. L’auteur leur attribuait des origines et des pouvoirs plus ou moins farfelus, selon les diverses théories.


Angelyne reprit conscience peu après. Elle avait atrocement mal. Elle aurait encore préféré l’inconscience…
Néanmoins, elle les remercia tous deux, d’une voix faiblarde. Elle était bien pâle.
Puis elle grignota ce qu’Alvarez lui avait préparé, du bout des lèvres. Il fallait manger, malgré la faiblesse et la douleur.


Ils allaient bientôt pouvoir interroger l'homme démasqué. Si quelqu'un devait savoir quelque chose de plus, c'était bien lui.

Alvarez regarda la photo de l'animal, surpris, puis parcouru le dossier des yeux. Tous les éléments semblaient se mettre en place. Au centre du micmac, des laboratoires et une modification génétique. Le tueur en avait certainement après toute personne ayant de près ou de loin tenté d'interférer avec les projets de la compagnie.

Alvarez se demanda si les étranges capacités dont il avait fait preuve n'étaient pas issues de cette transformation. Après l'avoir assommé ses collègues ont pertinemment pu lui injecter n'importe quel produit.

La disparition de la porte était plus inquiétante, il lui semblait pourtant l'avoir aperçue lorsqu'il était entré...

Il vérifia qu'il possédait bien toutes les armes du tueur.
En attendant que ce dernier se réveille, Alvarez jeta un œil à l'article traitant de la maladie mexicaine.

L’article traitait de la multiplication des cas de dégénérescence cérébrale, intervenus dans la péninsule du Yucatan, en 2003.

Pas mal de gens avaient dû être internés. Plus que la normale. Tous étaient de la région - Mexique, Guatemala, Belize… - depuis plusieurs générations.

A l’époque, la médecine constatait sans pouvoir expliquer.

Au scanner, les malades présentaient des lésions au cervelet.
Pourtant les fonctions motrices étaient loin d’être diminuées.
Les gens souffraient plus de démence progressive, tandis que peu à peu d’autres zones étaient affectées.
Arrivaient alors les troubles du comportement, du langage, de la représentation spatiale et temporelle ; enfin troubles mentaux plus graves : hallucinations, paranoïa, schizophrénie…

C’est ce qu’on nomma l’encéphalite mexicaine, faute de meilleure compréhension.

Comme elle touchait souvent les gens d’une même famille, on soupçonnait une contamination.
Tout restait possible : épidémie virale inconnue, transmission par piqûres d’insectes, pratique alimentaire, maladie nosocomiale, etc…

Mais on finit par chercher dans la direction d’une maladie à prions. Type Kuru ou Kreutzfeld-Jacob.

Cependant, l’incubation était fulgurante par rapport à ce type d’encéphalites ; elle se comptait en mois au lieu d’années.


Des études ultérieures étaient à paraître. Quelqu’un avait noté une référence en marge. Un numéro de bibliothèque.

Les effets secondaires, la paranoïa, la schizophrénie etc ressemblaient étrangement aux symptômes de Garuda.

Ces anomalies le liaient une fois de plus avec le Mexique.

Il ne restait plus qu'à attendre le réveil de l'assassin.

L’homme se réveilla en grognant, avant de regarder autour de lui d’un air hébété.
Le soporifique le rendait encore un peu vaseux.
Il grommela quelque chose en se hissant sur un coude. Puis :

- « Hé ! Vous devriez vraiment me relâcher, les gars… qui que vous soyez. »

Spoiler:

"Aucune chance."

Se contenta de lâcher Alvarez entre ses dents.

Il hésitait sur la marche à suivre, l'homme semblait être un professionnel s'il en jugeait par la trainée macabre qui le précédait. Il se trimbalait de plus avec sa liste de mort longue comme le bras.
Le faire parler ne serait pas chose aisée.
Plutôt que de l'interroger, mieux valait se la jouer subtil et laisser l'inconnu vider son sac.

"De toute façon que peut faire un homme seul dans une ville déserte, attaché et sans arme ?"

Alvarez ignora ensuite superbement l'inconnu, s'attachant principalement à soigner Angelyne. Il conservait tout de même le tueur en ligne de vue, gardant son arme à sa ceinture.

- « Ah oui ? Vous croyez ? »

Il laissa un instant peser un silence menaçant.

- « Vous savez vraiment pas dans quoi vous vous êtes fourrés…
J’ai encore rien contre vous, alors soyez raisonnable. Partez sans faire d’histoire. Sinon… vous allez vraiment regretter d’avoir mis le nez dans nos affaires ! »

Il baissa d’un ton, pour tenter de faire appel à leur bon sens.

- « Ne m’obligez pas à sévir… Si vous voyez trop de choses, ils risquent de réclamer votre tête.

D’ailleurs, je vois pas pourquoi vous vous mêlez de ça. Vous êtes qui d’abord, pour jouer les Zorro ? D’où vous sortez comme ça ? »