Jaguar Noir

" La beauté au naturel cocote !"
Puis il se reprit.

"Vous n'auriez pas quelque chose à me mettre sur le dos ?"

Sans attendre la réponse, Alvarez se dirigea vers Juan.
Il se sentait complètement euphorique.
Il parlait aux animaux et un jaguar le protégeait ! Après l'anaconda, qui n'était guère été rassurant, voilà que le jaguar du zoo venait de se pointer alors qu'il était en danger ! Il l'avait gratifié d'un sourire avec ses babines ensanglantée et s'était laissé caressé.
Alvarez avait une sorte de pouvoir et il n'en revenait pas.

Malgré le cadavre de Gamma gisant dans son sang, il ne pouvait s'empêcher de sourire surtout qu'en plus Juan se portait bien !
Aucune blessure malgré du sang.

" Tu as régénéré ?
Tes plaies ont totalement disparu alors qu'en théorie, tu devrais en avoir une ou deux de plus..."

Il se toucha les côtes, le visage, et vit le sang sur ses doigts.

- « Ah oui ? Et ben… on dirait, ouais. »

Il voulut quand même en avoir le cœur net. Ils remontèrent chez Angelyne, où il se coupa légèrement un doigt dans la cuisine.

- « Aïe ! »

La blessure se referma lentement d’elle-même, sous leurs yeux ébahis.

- « Santa Madre ! T’as raison… Pratique, non ? » fit-il avec un grand sourire.

Il était aussi euphorique qu’Alvarez. Se découvrir ce genre d’aptitude n’était pas pour lui déplaire.

- « On va faire un malheur dans le prochain cirque tous les deux ! »

Angelyne les regardait… sans trop oser les fixer.

Deux hommes à poil chez moi… Et bien foutus en plus… ça m’est pas arrivé depuis longtemps ! Dommage que je sois pas en état…

Par contre, elle n’avait pas vraiment de fringues à leur taille.

- « Vous devriez plutôt aller voir chez le voisin d’à côté. Monsieur Gorsky*… »

L’appartement par la fenêtre duquel Alvarez était entré dans l’immeuble.

Ils pouvaient aller se rhabiller !



(* : blague de Neil Armstrong)

" Ah oui... "

Alvarez traversa le pallier afin d'aller explorer l'appartement de ce Monsieur Gorsky. Il recherchait des habits, à sa taille si possible mais surtout facile à porter et qui ne gêneraient pas ses mouvements.

Il fut soudainement pris d'un doute. A plusieurs reprises, depuis le début de la matinée, il avait réussi des prouesses acrobatiques improbables. Il scruta le mur en face de lui et se mit à courir. Arrivé au pieds du mur, il voulu prendre appui dessus avec son pied afin de réaliser un saut périlleux arrière.

Alvarez réalisa un magnifique saut arrière, passant au-dessus de la tête de Juan qui le suivait, et se rétablit sans peine sur ses pieds.

- « Wow ! Impressionnant ! »

Puis ils purent s’habiller chez le voisin.

- « Qu’est-ce qu’on fait maintenant ? On se repose là ? - Et il y a toujours la mixture qui nous attend… », fit-il avec un clin d’œil.

" On peut en effet prendre le temps et préparer ça.
On a une cuisine à disposition.
On pourra reprendre les recherches après une bonne nuit de sommeil. On a pas mal d'endroit à visiter :

- Le Commissariat.
- La cité Cihuacoatl, dans le quartier Teotihuacan.
- Un entrepôt de stockage, dans Babylon Valley.
- Le labo photo de Jonathan Yale, juste à côté de l’église, dans le quartier Utopia. - Boulevard Saint Christophe.

Tu en as pour longtemps à réaliser la mixture ?
J'ai peut être le temps d'aller jeter un oeil au labo photo de Jonathan Yale. Il est dans le même quartier.
Angelyne saura peut être l'adresse".

- « D’accord, je m’en occupe. Tu peux y aller si tu veux, j’en ai pas pour longtemps, de toutes façons ; j’ai déjà fait l’essentiel à l’hôtel. »

Ils quittèrent l’appart de monsieur Gorsky, plus décemment vêtus. Avant de partir, Juan y tira le corps de Gamma, lui retira sa combinaison – ça pouvait toujours servir - et le planqua sous un lit. Juste au cas où ses amis viendraient voir ce qui s’était passé ici.

- « Et je garderai un œil sur la fille, elle est mal en point… Elle aura besoin de soins, mais pour l’instant, je vois pas trop quoi faire de plus. »

Il avait pourtant le sentiment diffus de devoir agir ; mais comment ?

Angelyne fut mise au courant du projet d’Alvarez.

- « Oh… vous allez chez Jonathan ? »

Ses yeux s’humidifièrent un court instant. Elle fouilla dans son sac et lui tendit une carte avec les coordonnées ; c’était une plaquette publicitaire pour l’agence Yale.
Jonathan Yale donnait manifestement dans la photo haut de gamme.

Angelyne parut vouloir ajouter quelque chose… dire qu’ils s’étaient aimés, furtivement, qu’ils s’étaient quittés, et que son cœur se serrait pourtant, rien qu’à l’image de cet homme gisant dans son sang…
A quoi bon ? Il était mort maintenant. Ces salauds l’avaient tué.

Mais l’assassin avait payé son forfait. Le jaguar s’était fait instrument de vengeance. Et la nature avait prélevé son tribut. Tout était bien.

" Je vais peut être dire une connerie, mais Juan, si c'est ton sang qui te permet de régénérer aussi vite, il peut éventuellement la soigner. Ca n'appartient franchement pas au crédo d'Hippocrate, mais appliquer ton sang sur sa plaie..."

Alvarez finit sa phrase par un haussement d'épaules.

"Après, c'est aussi à Angelyne de voir..."

Alvarez regarda la plaquette publicitaire.

" Je vais donc faire un tour chez le photographe. Merci pour la carte. Je devrais trouver sans trop de problème. C'est loin ?"

- « Non pas très. Un quart d’heure à pied, maximum. »

Angelyne, qui n’était pas la moitié d’une idiote, réfléchit à la proposition. Pourquoi pas ? Vu son état et la situation actuelle, un vrai médecin allait être difficile à trouver.

- « Mm, et c’est quoi votre groupe sanguin ? »

- « O, bien sûr. Comme presque tout le monde chez nous.
Moi c’est O+, je crois. »

- « Bon, moi je suis A+. On est compatible au moins. C’est déjà ça… Vas-y, essaye. »

Et elle s’accrocha au rebord du canapé, par réflexe, détournant le regard comme on le fait parfois lors d’une prise de sang.

Juan défit doucement le bandage d’Angelyne, puis se coupa résolument la paume de la main avec le même couteau de cuisine, juste au dessus des blessures sanguinolentes.

Le liquide coula, sombre et chaud. Juan réprimait sa douleur. Chaque goutte, comme un rubis, venait parer l’épaule de la jeune femme. Encore et encore. Là où le métal avait souillé sa peau diaphane… Une rivière de rubis.

Le sang s’attaquait aux impuretés. Le sang lavait les affronts du temps. Et Juan faiblissait au fil de la vie qui le quittait.
Mais bientôt surgirent de la chair les deux balles tordues. D’elle-même éjectées, elles tombèrent au sol.
Lentement, les tissus se refermaient.

Angelyne se sentit mieux. Mais c’est Juan qui dut s’allonger pour récupérer des forces. Il était livide. - Et le canapé était foutu.

" Waouh... "
Alvarez contemplait la scène l'air ébahit.
La réussite complète de la tentative lui donna envie de faire un salto et d'essayer de marcher sur les murs pour communiquer sa joie ! Il se retint et préféra aller chercher du sucre et à boire pour Juan, du jus d'orange s'il trouvait.

" Tombe pas dans les pommes l'ami, mange ça.
Ça te redonnera des forces."

Une fois Juan rétablit, Alvarez les laissa récupérer pour se rendre chez Yale. Laissant les armes à feu il prit seulement la machette et son sac.


3 Octobre - 19H15
[ Vers Utopia / Lumière noire ]