Disparitions

Pendant ce temps, Juan parcourait les pages du roman avec avidité. Le "Jaguar Noir" avait accaparé toute son attention.




Alvarez accrocha l’arme maculée à sa ceinture.
Trois lettres apparaissaient, gravées sur le pommeau : CTR.





Les plans dataient de deux ans déjà. Il s’agissait du Commissariat, et d’un immeuble du quartier Teotihuacan : la résidence Cihuacóatl.
Dans le premier cas, les travaux étaient demandés par la ville ; et dans le second, par la société Eucalyptus.
Même sans y prêter trop attention, il était évident que c’était du gros œuvre.

Garuda avait dessiné ces plans. Mais il ne s’agissait que de photocopies. Sans doute avait-il voulu conserver trace de son travail… ou avait-il déjà à l’époque quelque chose en tête ?







Les photos étaient celles du journaliste, Robert De Nis, celle d’une certaine Angelyne Guerraband – qu’Alvarez crût avoir vue récemment - et celle de Jonathan Yale, dont il avait aussi vu le nom.

Il y avait également des photos prises à la sauvette, dans la rue, à proximité ou au téléobjectif.
Ces trois là étaient surveillés, espionnés, dans leur vie quotidienne.
Noms et adresses étaient données au dos :
- L’hôtel d’en face et le numéro de chambre pour De Nis, avec ses dates de réservation.
- Le quartier Utopia pour les deux autres, une adresse permanente.

Enfin, un surnom avait été donné à chacun : ‘La vipère’ pour le journaliste, ‘Noix de Cajou’ pour la femme, et ‘le rapace’ pour Yale.


Quant au télégramme, il datait du 1er octobre, le jour de l’évènement. Il avait été signé par David Garuda à 8 heures du matin, et contresigné par un postier, A. Blackmore.

Citation :

" C’est aujourd’hui – stop – La vipère n'a que trop craché de venin – stop – Administrez votre antidote comme convenu – stop – Instructions suivront pour les malades suivants – stop."

Leur remède était assez radical, manifestement !

L'architecte, profession d'ordinaire paisible, possédait un couteau digne d'un béret vert et jouait les espions voire les assassins.
Ses occupations étaient telles, que ce dernier était étendu raide mort. Il était peut être temps pour Alvarez de contempler la mort en face et de jeter un oeil au cadavre.
Il s'en rapprocha et le retourna avec dégout...

David Garuda avait été tué rapidement. Deux balles dans le cœur et une en plein front. Du travail de professionnel.
Il n’avait survécu au cataclysme que pour être liquidé le surlendemain. Et son exécuteur était forcément en ville, bien vivant.

Outre son tatouage, il avait une chevalière gravée des mêmes lettres que le poignard : CTR.

Vu les lectures de Garuda, et le journal qu’Alvarez gardait en mémoire, l’obédience idéologique de cet homme devait être assez claire.

"Quelle journée de merde... quelle journée de merde.... "
Répéta Alvarez durant quelques minutes en découvrant le cadavre et en retenant un haut de coeur lorsque l'envie de vomir le traversa.

" Qu'est ce que j'ai fais pour me retrouver au milieu de tout ça..."

David Garuda avait espionné trois personnes, dont au moins deux étaient en contact. D'après ses souvenirs, Jonathan Yale, photographe, avait rendez vous avec le journaliste Robert de Nis. Sauf qu'au passage, Garuda avait également été abattu... par un inconnu.
Le militaire ? Mais dans ce cas, il n'aurait surement pas laissé son sac... Les chargeurs retrouvés correspondaient, au vu des balles, à un fusil et non une arme de poing. Le militaire n'était peut être pas le coupable.
Alvarez jeta un oeil à la blessure sur le front histoire de voir s'il y avait des marques autour du trou afin de juger si l'arme avait été collée au front ou non.

Il s'empara ensuite du journal du mort afin d'en parcourir les pages. Il s'intéressa principalement aux dernières en commençant par celle du 30 septembre puis en remontant jusqu'à aujourd'hui.

La blessure à la tête provenait effectivement d’une balle tirée à plus courte portée. Une exécution. Et le tireur connaissait son métier.

Le journal révéla peu à peu le parcours de Garuda.
Quoiqu’à l’envers, cela fût peut-être un peu moins évident…

Extraits :

Citation :

10- « Pas le choix… ma liberté n’a pas de prix !
Dommage et tant pis pour les victimes. A toute cause, il faut des martyrs…

Je n’aurai jamais cru penser ça. Qu’est-ce qui m’arrive, je sais pas. C’est la solution, je crois.
Et après, je saurai bien me venger.

J’ai sous le coude de quoi réduire en cendres leur commissariat ! ‘L’hôtel de police’, comme ils disent… ce sera leur dernier séjour. Je sais où frapper, je connais tous les accès, tous les recoins cachés de leurs geôles moisies.
Il faut briser ces barreaux et ces chaînes, détruire les oubliettes indignes du pouvoir !
Les bâtards, les fils de pute ! Je les crèverai tous, un jour ; oui, un jour ! »


9- « Ras le bol de cette gerbe. Toujours la nausée. Et j’ai encore fait ce cauchemar, celui où on se fait disséquer par des aliens ! J’aurai pas du revoir Mars Attack. »


8- « Maintenant, il ne s’agit plus seulement d’informer, mais de ‘gagner ma liberté’. Tu parles ! Cela ne finira donc jamais ? Ils me prennent pour leur toutou docile ; ils adorent les jouets humains.
Je ne veux pas leur obéir, être réduit à un outil jetable, servir leurs intérêts pourris. »


7- « Ils peuvent effacer mon casier, me faire disparaître du fichier Elise, et m’offrir une amnistie totale, à ce qu’ils prétendent. - Une proposition tentante, pour aujourd’hui et pour les opérations à venir…
Ils m’auraient choisi à cause de mes relations. Parce que j’ai connu Robert au lycée, et parce qu’Abel est le fils du deuxième gars. Il pourra me présenter.
Quant à la fille, il paraît qu’on a le même goût pour les étreintes furtives… Soirée coquine en perspective. Voilà qui promet au moins d’être intéressant. »


6- « Les migraines, les nausées, les cauchemars ; tout ça continue. Rien à faire. Leurs cachets servent à rien, bon sang ! L’autre nuit, j’ai même cru entendre des voix.
Jamais j’avais eu ça, avant. Je me demande si c’est vraiment le penthotal ? Quoi qu’ils en disent. »


5- « Cette fois, ils me sont tombés dessus en pleine nuit, à la sortie d’un bar. Et jeté dans un camion. Ils étaient pas fringués en flics, ces gars. Mais qui c’est, ces enculés ?
Je leur ai dit tout ce que je savais, ou presque… Pas facile de résister à leurs méthodes.
Je crois qu’ils s’en foutaient, au fond. Ils ne s’intéressent pas à nous plus que ça. On dirait qu’ils voulaient juste confirmation, qu’ils savaient, et qu’ils voulaient me voir soumis.
Et bien soit ! Qu’ils le croient si ça les amuse. »


4- « Petite forme en ce moment. Suis resté couché toute la semaine. Il vaut mieux se faire oublier quelque temps. Toujours pas de nouvelles de Greg. »


3- « Voilà. Fallait bien que ça arrive un jour. Je sors de garde à vue.
Ils m’ont retrouvé. Pourtant, on avait fait du bon boulot. Et sans victimes. Greg était fier de nous. Abel et Cactus jubilaient comme jamais !
Mais pour l’instant, ils n’ont aucune preuve. Mathieu fournit l’alibi, et l’arsenal est toujours bien planqué.
Aujourd’hui le Palais de Justice, et demain... la police ! »


2- Suivaient de longues pages sur sa haine viscérale du monde contemporain, sur son fonctionnement et ses ‘rouages capitalistes pervers’ ; enfin sur la perspective de lendemains qui chantent, quand les peuples auraient abattu les tyrans et rebâti un monde plus juste.
Le système de Babylone devait tomber. Et Garuda croyait que ce jour approchait.
Demain, ceux qui avaient injustement condamné ses camarades allaient payer !


1- Il avait commencé ce carnet où cas il lui arrive quelque chose, pour que ses camarades comprennent, pour que le monde sache… Comme si le monde entier se souciait de lui !
Il ne pouvait en parler à personne ; il se savait surveillé, mis sur écoute. ‘Ils’ étaient là, dans l’ombre, en bas de chez lui.

Le journal corroborait les infos trouvées précedemment.
Garuda et Robert de Niss se connaissaient et avaient été au lycée ensemble. A priori il était également ami avec le fils du "rapace". En plus de ces deux là il devait espionner, et accessoirement se taper un beau brin de fille. D'après le journal, il aurait été recruté par la police pour surveiller ces trois zozos.

Est ce que le groupe d'anar' auquel semblait appartenir Garuda pouvait être le "bloc noir" dont parlait Robert de Niss dans ses articles ? Alvarez allait fureter afin de voir si un rapprochement pourrait être fait.

Il se dirigea ensuite vers la salle de bain afin d'essayer d'y retrouver les médicaments dont parlait Garudo dans son journal.
Il jeta un oeil à l'Apocalypse de Jean et à la page cornée.

Le mystère qui rodait autour de tout ça semblait s'effacer progressivement. Alvarez y voyait un peu plus clair.

3 Octobre - 15H50


Dans l’armoire à pharmacie de la salle de bains, Alvarez dénicha un petit pot de gélules, issues des laboratoires BEL. Ce n’était pas un produit commercial classique, comme on en trouvait en pharmacie, mais une prescription personnelle pour Garuda.


Puis en furetant, c’est à la bibliothèque que ses recherches le ramenèrent.
Il put y trouver un bon bouquin de Christophe Bourseiller sur les mouvements radicaux. Les ‘Black blocks’ y étaient plutôt décrits comme des jeunes révoltés, en colère contre le système et son appareil répressif ; qui ne rechignent pas devant un petit affrontement avec la police, mais qui n’ont ni ambitions, ni projets bien définis.
Garuda appartenait sans aucun doute à une mouvance libertaire, mais il semblait être passé à une action beaucoup plus radicale. - Ne parlait-il pas d’un arsenal ?

La présence d’ouvrages de Jean-Charles de Fontbrune confirmait aussi un intérêt certain pour l’ésotérisme douteux, les prophéties de Nostradamus en particulier. Et Garuda avait toute la collection !

Enfin le Nouveau Testament dans le coffre plaidait en faveur d’une idéologie moins traditionnelle.
Ce n’était plus le bon vieux « Ni Dieu Ni maître », le « No Future », mais un « Demain, Babylone tombera ! » - Il devait être moins punk que rastafari, finalement…


Il y avait même un livre de mythologie hindouiste, sur Vishnou et… les exploits de Garuda.
D’ailleurs, une petite statuette, ramenée d’Inde ou de Thaïlande, trônait au sommet de la bibliothèque. Elle représentait un oiseau indien aux ailes déployées… qui tenait dans son bec un serpent.




Finalement, il lut la page sélectionnée par le défunt. L’Apocalypse, chapitre 20. Une ligne avait été tracée en marge. Les versets 2 à 4.

Apocalypse 20.2-4… comme le code.

Citation :

2 Il saisit le dragon, le serpent ancien, qui est le diable et Satan, et il le lia pour mille ans.

3 Il le jeta dans l'abîme, ferma et scella l'entrée au-dessus de lui, afin qu'il ne séduisît plus les nations, jusqu'à ce que les mille ans fussent accomplis. Après cela, il faut qu'il soit délié pour un peu de temps.

4 et je vis des trônes; et à ceux qui s'y assirent fut donné le pouvoir de juger. Et je vis les âmes de ceux qui avaient été décapités à cause du témoignage de Jésus et à cause de la parole de Dieu, et de ceux qui n'avaient pas adoré la bête ni son image, et qui n'avaient pas reçu la marque sur leur front et sur leur main. Ils revinrent à la vie, et ils régnèrent avec Christ pendant mille ans.

Tout en lisant, Alvarez sentit quelque chose dans la tranche du livre, sous la reliure. Une protubérance…

Toujours les mêmes animaux et les mêmes symboliques. Même si cette fois, les références étaient Indienne et européenne.
En furetant Alvarez s'intéressa, sans réelle conviction, aux initiales CTR. Visiblement Garuda y était attaché et ce n'était pas son nom. Il y avait quelques chances pour que cela face référence à son organisation... peut être que le journal apporterait un début de piste à ce sujet.

Regardant le livre sous toutes les coutures, Alvarez chercha le meilleur moyen d'extraire la protubérance sans pour autant réduire la reliure en miette. Si la chose est impossible, il l'entaille le plus précisément possible au couteau.

Le journal apportait effectivement un éclaircissement… pour qui ferait le rapprochement qui s’imposait.


Un petit objet était glissé sous la couverture. Impossible de l’en retirer sans trancher dans le vif. Mais une incision précise permit de le récupérer.
Il s’agissait d’une clef, portant un numéro, et le nom d’une entreprise de stockage dans Babylon Valley.
Elle renvoyait à un coffre, un container, ou un entrepôt… Tout dépendait de la taille de ce que Garuda stockait.

Cette clef en main, Alvarez réalisa alors que les lignes précédentes du chapitre souligné dans l’Apocalypse étaient :

Citation :

1 Puis je vis descendre du ciel un ange, qui avait la clef de l'abîme et une grande chaîne dans sa main.

Toujours la lutte entre un être ailé et un serpent…
Est-ce que Garuda se croyait investi d’une mission, à sa manière vindicative ? Pensait-il lutter contre notre société marchande par le fer et par le feu ?
Identifiait-il Epsilon à la Babylone biblique, la ville inique et pervertie ?
Se voyait-il comme l’ange exterminateur des temps derniers, qui purifie le monde de ses corrompus ?

Ou était-ce Alvarez… qui avait à présent les clefs en main ? Lui qui avait ouvert la porte et délié le serpent…

A moins que… tout cela ne fut qu’un délire d’esprit malade et paranoïaque !

Alvarez s'assit dans un coin, la tête entre les mains en réfléchissant à tout cet imbroglio.
Après un serpent réel, puis un qui parle, voilà qu'il était confronté au serpent biblique de l'apocalypse. D'un certain point de vue, avec la feuille de drogue dans sa poche qu'il hésitait à absorder, il était également tiraillé par Nahash.

Alvarez fourra sa clé dans sa poche et se résuma les informations obtenues...
- Garudo, appartenant à un groupe anar et voulait faire sauter différents bâtiments de la ville. Il avait également été chargé de surveiller trois personnes, dont il en avait fait assassiner au moins.
- L'appartement avait aussi visité par un militaire et une femme qui n'était plus là. Alvarez devait d'ailleurs jeter un oeil à la jeep en bas.
- Dans un coffre se trouvaient les plans d'un immeuble du quartier mexicain et ceux du commissariat. Garuda avait peut être anticipé l'action d'éclat qu'il devait mener avant qu'il ne meurt.
- Le journal intime ainsi que la Bible permettait de mieux cerner le personnage, ses utopies et son gout pour l'ésotérisme.
- Il y avait aussi ces médicaments, qui mettaient mal à l'aise Garuda et la prescription personnelle. Alavarez s'empressa de la lire.

Avant de quitter les lieux, il fit un ultime tour de l'appartement, à la recherche du détail qu'il aurait oublié, où qui ne lui aurait pas sauté aux yeux sans les informations récoltées depuis.

Ensuite, ayant rangé les divers objets qu'il conserva, notamment ceux du militaire, il se dirigea vers la jeep.

La prescription indiquait de prendre une gélule rouge au coucher, et une gélule noire au lever.
Elle provenait d’un certain Professeur Baumann, Aaron Baumann.
Ni les composants, ni les effets secondaires n’étaient indiqués. Pas même ce que ce produit était censé traiter.

On lui avait prescrit ça juste après un interrogatoire musclé. Pour l’aider à récupérer. Mais Garuda avait l’air de croire que ça ne l’aidait pas des masses.

Son journal montrait aussi qu’au fil du temps, sa colère s’était muée en froide détermination. Il était passé d’une opération sans victimes – ce dont il se félicitait – à des projets de meurtres.
Il avait perdu ses scrupules. Quitte à s’en prendre à des gens qui au fond défendaient aussi les libertés d’expression, d’informer.
Puisque le journaliste assassiné s’intéressait aux conditions des migrants, aux disparitions des SDF et de sans-papiers ; aux meurtres de personnalités qui oeuvraient plutôt dans le sens des droits de l’homme.
La défense des salariés pour le syndicaliste, les droits des prisonniers pour l’avocat, et la liberté d’expression pour l’humoriste.

En fait, consciemment ou non, il avait bien changé.
L’excuse de faire des martyrs, et la vengeance qu’il ruminait, révélaient aussi à quel point il s’était radicalisé.
D’ailleurs, son propre couteau n’était-il pas maculé de sang ?


Il n’y avait rien d’autre dans l’appartement. Si ce n’est cet étrange trou dans la porte d’entrée. Net et sans bavures. Inexplicable.


En redescendant, Alvarez trouva la jeep garée devant l’hôtel. Il y avait à bord une radio de campagne, à fréquence réglable.
Mais il y avait aussi une pleine caisse de différentes munitions, du 9 mm au calibre de fusil de chasse.
Les armes elles-mêmes avaient hélas disparues avec leur propriétaire.
Seul subsistait un pistolet d’alarme lance-fusées.

Une abondance de rations de combat et de bouteilles d’eau lui assurait de ne plus manquer de quoi se nourrir. Par contre, par rapport à la bouffe de l’hôtel, ça risquait d’être dur à avaler !
Enfin, deux bidons d’essence à l’arrière permettraient de rouler tranquille quelque temps.

Un fusil soporifique et un pistolet d'alarme lance-fusée... S'ils se faisaient attaquer, Alvarez et Juan ne feraient pas les malins.
La voiture était plutôt une bonne nouvelle ainsi que la nourriture, même si elle allait s'avérer dégueulasse.

Alvarez fouilla la boite à gant à la recherche d'un plan de la ville. Il comptait remonter chez Garuda afin de noter sur la carte les lieux de résidence des victimes ainsi qu'entourer les lieux sur lesquels Garuda avait travaillé.

En dernier lieu, Alvarez remonta dans l'hotel, afin d'aller chercher Juan. Il aurait surement pu l'appeler d'en bas, mais il préférait jeter de nouveau un oeil à la chambre de Robert de Nis. Qui sait un truc aurait pu lui échapper.

Une grande carte détaillait la ville et sa proche région. En retournant à l’étage, Alvarez put trouver de quoi écrire et annoter la carte.

Les premiers travaux de Garuda, dont il avait les plans. Au moins un était cité dans son journal comme un objectif de ses activités révolutionnaires :

. Le Commissariat.
. La cité Cihuacoatl, dans le quartier Teotihuacan.


L’endroit auquel renvoyait la clé :

. Un entrepôt de stockage, dans Babylon Valley.


Les ‘missions’ qu’on lui avait récemment assignées :

. L’hôtel, en face duquel il se trouvait. - Boulevard des Asphodèles.
. Le labo photo de Jonathan Yale, juste à côté de l’église, dans le quartier Utopia. - Boulevard Saint Christophe.
. L’appartement d’Angelyne Guerraband, quartier Utopia.


[ Mise à jour de la carte suivra ]


Après avoir considéré la disposition des lieux, Alvarez retrouva Juan en pleine lecture.

Il n’y avait rien de plus là-bas… si ce n’est deux choses.
D’abord, Alvarez revit que la porte du journaliste avait été endommagée par un fauve.
Tandis que celle du dessinateur comportait un grand trou circulaire.
Deux détails aussi étranges que le reste des évènements.

Et en apercevant le quatrième de couverture du roman que Juan dévorait, il réalisa que, coiffure mise à part, Gaëlle Gouldsboro et Angelyne Guerraband ne faisaient qu’une !

La coïncidence frappa Alvarez qui apostropha Juan après lui avoir raconté ce qu'il avait trouvé.
"Elle te dit quelque chose cette bonne femme ?"

Il lui posa ensuite diverses questions après avoir déplié la carte.

" Ce qui m'intéresse le plus, c'est d'aller à cet entrepôt.
Mais vu l'heure qu'il est... il est peut être préférable de profiter de l'hôtel pour dormir dans des lits avant de partir en vadrouille je ne sais où.

J'essayerai bien la drogue... comme l'a suggéré le.... serpent.
Tu saurais la préparer ?

Mais ça implique de ne plus bouger je suppose."

3 Octobre – 16H30


- « Non, je l’ai jamais vue avant aujourd’hui, mais son bouquin… c’est dingue ! J’en reviens pas. Y’a plein de coïncidences hyper troublantes. On dirait que ça parle de moi ! »


Il allait raconter ce qu’il avait lu, quand Alvarez lui fit part de ses projets.

- « Moi, j’ai pas trop sommeil pour l’instant. Mais si tu veux essayer la fleur, on va peut-être avoir besoin d’en prendre d’autres ?
Enfin… à moins que ta fleur soit spéciale, il en faut un paquet pour que ça soit efficace.
Normalement. - Mais je sais plus trop ce qui est normal, ici !

En tout, cas, je sais le préparer, et je peux m’en occuper. C’est comme tu veux.
Après, t’auras besoin de quelques heures, pour avoir la vision et pour récupérer.

En plus, vaudrait mieux que tu aies déjà digéré, parce que… bonjour la gerbe, avec ça ! »

Alvarez lui montra la plante.
"Je sais pas trop si elle est spéciale, mais quand je l'ai vue, j'ai instinctivement su son nom !"

"Vu l'heure qu'il est, on peut éventuellement avancer jusqu'au quartier Utopia. Il y a deux trois trucs à voir dans le coin : le labo photo de Jonathan Yale et l'appartement d’Angelyne Guerraband. Ce sont les deux autres personnes que ce cher Garudo avait pour mission de surveiller.

Si l'heure tourne trop, on devrait pouvoir dormir dans le coin sans problème.

J'ai trouvé les clés d'une jeep ainsi que des rations militaires.
J'te propose d'embarquer les choses non périssables de l'hotel, comme le jambon car si on doit se taper taper les rations pendant une semaine, on va vite faire la tronche !!!"

Durant le trajet vers le quartier Utopia, Alvarez comptait questionner Juan au sujet du bouquin qui ressemblait à sa vie.

- « Ah oui ? Son nom scientifique, ipomoea ? Ou son nom zapothèque, badoh negro ?

Tiens ! Ca me fait penser qu’une variété voisine est aussi appelée coatl xoxouhqui, la plante serpent vert… »

Cette plante, comme d’autres, avait connu son heure de gloire dans les années 70, quand retour à la nature et pacifisme mystique étaient à la mode.
On pensait alors que cela pouvait remplacer le LSD à moindre coût. Pourtant c’était différent ; moins fort, moins chimique, et plus soporifique.

- « D’accord, passons par la cuisine. Le plus simple serait que je prépare le liquide ici. Y’a tout ce qui faut.
Mais on utilise que les graines. Je sais pas ce que ça va donner avec une seule fleur. »



Ils quittèrent donc la chambre du malheureux journaliste assassiné. Dans le couloir, Juan fut pris d’un vertige…
Il reconnaissait cet endroit. Il était déjà venu ici . Il se rattrapa au mur ; il avait comme un flash.

- « Le jaguar ! Il est venu là ! Je vois aussi un militaire… et une femme avec une batte. Il tire sur le jaguar… et le fauve le blesse aussi ! Puis plus rien. Le noir. »

Juan continua de marcher, en titubant, en s’appuyant d’un mur à l’autre. Il y avait déjà des traces de mains ensanglantées sur ces murs…



Il récupéra cependant très vite, et se mit au travail dans la cuisine. Comme si de rien n’était.
Décortiquer les graines, les écraser, les filtrer dans de l’eau chaude, puis récupérer le liquide dans un récipient. Et mettre à reposer.

- « Si celui-là ne te fait rien, on pourra toujours recommencer. Y’en avait plein d’autres à l’entrée du zoo.
Ça vaut mieux que risquer de prendre directement un truc trop fort, non ? »

Juan ne pouvait s’empêcher de penser que des plantes qui poussaient à cette vitesse avaient peut-être d’autres propriétés inhabituelles. Sinon, il aurait recommandé d’utiliser un bon paquet de fleurs. Mais dans le doute, mieux valait être prudent.

"Je te fais confiance.
Je t'avouerai n'être qu'à moitié convaincu par ces conneries. J'ai esprit qui reste rationnel et ingérer cette plante suite à une discussion avec une espèce d'anaconda, ca me laisse circonspect."

Tout en le regardant faire Alvarez ressassait dans sa tête les scènes précédentes, jusqu'au vertige de Juan.

" Tout à l'heure, tu as eu une sorte de ... "flash".
Ca t'arrive souvent ?
C'était plus un souvenir réel ou une espèce de vision du passé ?
Ce militaire, ce ne serait pas le propriétaire de la jeep ? Jacques Willdorf et Julie-quelque-chose pour la nana ?
J'ai trouvé leurs affaires dans l'appart d'en face. S'ils sont venus jusqu'ici, ils suivaient la même piste que nous.
Tu étais avec eux ?
Sais tu ce qu'il leur est arrivé ?
Il me semble pas avoir vu des masses de traces de sang chez Garuda, ils sont donc venus ici dans un second temps et n'en sont pas repartis, ou alors à pied."

- « Je comprends. Moi aussi j’ai eu du mal à accepter ce genre de choses au début. Mais tu sais, j’ai entendu des anciens raconter des trucs dingues !

Comme l’histoire de l’homme qui une nuit, a renversé un tapir sur une route. Et le lendemain matin, il a trouvé son père au lit, mourant. Il avait la poitrine enfoncée et une jambe en compote !
Le pire, c’est que trois ans plus tard, cet homme a été tué par un chasseur. Il était nu, en pleine forêt. Et le chasseur jura avoir vu un tapir dans le noir...

Mais c’est la première fois que j’ai ce genre d’images. Enfin… éveillé ; je fais des rêves étranges, parfois.
Je saurai pas dire si c’est un souvenir ou une vision. J’ai juste l’impression d’avoir… déjà vu ça en rêve. »

Aux questions d’Alvarez, il vérifia quelles têtes ils avaient, sur les papiers trouvés en face.

- « Oui, c’est bien eux. Jacques et Lucie. »

Cela faisait un peu Marc et Sophie… Heureusement, il ne se mit pas à le chanter !


- « Je les connais pas, et pourtant… »

Juan fronça les sourcils, nerveux, en colère, sans bien savoir pourquoi.

- « On a vus les impacts de balles, et le sang du fauve dans le couloir. Je crois que c’est le militaire qui a tiré.
S’ils sont venus ici et repartis sans leur jeep, pourquoi ? Le jaguar devait être gravement blessé. Et le serpent enfermé…
On dirait qu’ils n’étaient pas, ou plus, menacés ici.

Il n’y avait pas un autre indice, chez Garuda ? Parce que soit c’est le militaire qui l’a tué, soit c’est un autre tueur en liberté ! »

Bizarrement, Juan préférait les histoires d’âmes et de chamans à celles de guérillas urbaines ! Pour lui, c’était moins inquiétant.

"- Chez Garuda il y avait des traces de sang. Le militaire y a été après. Je doute qu'il soit le meurtrier de Garuda par contre. Ce qui est étonnant c'est qu'il ait abandonné son barda et ses clés de voiture. Vu le nombre de jerricane d'essence qu'il y a derrière, il était pourtant peinard pour un bout de temps.

Tout à l'heure tu as dit que le bouquin te rappelait ta propre vie, en quoi les deux sont similaires ? Vu tout ce qui arrive, ce genre de coincidence n'en est certainement pas une... "

Il y avait aussi un projectile hypodermique chez Garuda, qui avait certainement servi sur l’un des deux. Cela ressemblait un peu aux fléchettes soporifiques utilisées au zoo.
Il était donc envisageable que ces gens n’aient pas quitté les lieux sur leurs jambes…


Juan lui donna un tupperware contenant la préparation. Puis ils prirent des provisions et rejoignirent la jeep.

- « Prends le volant. Je vais tout te raconter. »


3 Octobre – 17 H 10

Vers : Utopia / Jaguar Noir

Alvarez prit donc le volant, écoutant le récit de son compagnon de fortune.