Synergie

Elena fit une moue sceptique. C’était pas qu’elle crachait forcément sur l’autorité et sur sa philosophie, mi-individualiste, mi-hiérarchique ; mais le côté élitiste et mystique ça, ça lui tapait franchement sur le système ! Cet espèce de prêchi-prêcha, ça lui rappelait un peu trop l’endoctrinement sectaire, avec tout son cortège de manipulations et d’arnaques financières.

La question qu’elle se posait, c’était entre l’envoyer chier - dans le Grand Popo Cosmique ! – et lui dire ce qu’il avait envie d’entendre, dans l’espoir d’en apprendre plus. Avec le risque de subir leurs tentatives d’enrôlement…

Elle haussa les épaules à la question d’Orclé, comme pour dire "bof, c’est pas que ça me fasse envie, mais bon…"
D’un côté, elle ne voulait pas trop vexer le premier responsable d’un semblant d’organisation en ville ; de l’autre, elle appréciait le franc-parler d’Orclé.
En fait, elle serait bien partie très loin… L’ennui, c’est qu’elle savait pas trop où aller.

Thomas secoua la tête, désolé, aux propos d’Orclé. Il avait l’habitude d’être stigmatisé, diabolisé. Peu de gens comprenaient la spiritualité qui portait sa vision du monde. Et beaucoup de pays européens se méfiaient de leur groupe.
Mais dans ce pays-ci, ils étaient parfaitement tolérés par le gouvernement. Les institutions leur assuraient une totale liberté d’expression, dont ils ne se privaient pas, d’ailleurs. Leur guide avait choisi la région pour s’installer et Epsilon était devenu leur principal centre de recrutement.

Il intervint avant qu’Elena ou Luka n’aient pu prendre une décision.

- « Tu n’es pas obligé de t’intéresser à notre Eglise, mais tôt ou tard, tu devras accepter l’idée que tu es concerné, toi aussi…

Il fit une courte pause, pour ménager ses effets de rhétorique.

- « Car je ne crois pas que ce soit un hasard si, comme nous, vous avez survécus ! A mes yeux, vous êtes spéciaux, choisis… Vous pouvez faire partie de ces hommes éclairés qui dirigeront le monde de demain, celui qui est à reconstruire ensemble… Il est écrit que seuls les élus se relèveront du cataclysme et de la colère des cieux. Puisque vous avez été épargnés, c’est que vous avez un rôle à jouer dans ce monde nouveau. C’est votre destinée. Ne la laissez pas passer… Le Ciel saura vous récompenser au centuple. »

Orclé semblait songeur face aux propos de son interlocuteur. Il acquiesça d'un signe de tête.

-Finalement, vous avez peut-être raison...

Ses yeux pétillaient d'une étrange lueur.

-Non je délire. J'ai vécu un bon moment dans un système de consommation à la con, capitaliste et pseudo-démocrate, droits de l'homme et patati et patata. Toutes vos doctrines ne sont belles que sur le papier. Je ne crois plus au charisme d'un homme qui prétend vouloir le bien du peuple et profite de son pouvoir dans l'ombre.

Oclé préféra stopper son argumentation avant qu'il ne commence à philosopher sur la débilité de rentrer dans une routine où l'on répète tout les jours les même gestes pour gagner un peu d'argent. Mais quelle logique à la con! Pourquoi ces gens ne comprennent-ils pas que je n'ai pas envie de rentrer dans une logique aussi inutile?


-Ciao pauvre fada.

Sur ces mots, il se dirigea vers la sortie de la salle.

Thomas Cruz inspira un bon coup ; il essayait de prendre sur lui, de pas s’énerver. Tandis qu’Orclé parlait, il fixa le sol avec un grand sourire, tout en faisant ‘non non’ de la tête. Mi crispé, mi navré.
Puis il y eut l’attaque de trop, à ses oreilles de bon bourgeois, habitué aux ronds de jambe des fidèles de la Synergie, et à l’hypocrisie des employés qu’il avait dû diriger dans sa vie… Toute une vie de management défila devant ses yeux ! Quelqu’un venait d’oser remettre en question la foi sacro-sainte que l’on devait avoir dans le libéralisme capitaliste ! Le seul système à promouvoir des élites dignes de porter le flambeau de sa foi… Le seul système lui assurant un revenu aussi confortable.

- « Fada ?! » - Il haussa les sourcils, apparemment vexé – « Vous ne savez pas le mal que vous faites à la société en parlant ainsi ! Quel dommage… »

Mais alors que le jeune amérindien s’éloignait, une colère froide prit le dessus sur l’amabilité mielleuse qu’il tentait d’afficher depuis le début. Il y avait aussi une force en lui, une capacité à la révolte et à la rage, mais qu’il maîtrisait savamment. Il lança :

- « Ce sont des gens comme vous qui détruisent notre monde. Vous ne valez pas mieux que ces types des Centuries ! Si ça se trouve… vous en faites même partie ! »

Il le regarda partir, d’un air soupçonneux.

Les Centuries… des rebelles à l’ordre établi, qui prônaient la désobéissance civile, la destruction des moyens de répression et de communication, le renversement de l’appareil d’état !
Pourtant, curieusement, ils trouvaient parfois source d’inspiration dans certains écrits prophétiques. Eux aussi ! Ceux annonçant la fin du monde connu… « No Future ! »



Dès qu’il fut dans le couloir, Orclé eut de nouveau une curieuse impression. Un véhicule arrivant de l’ouest venait juste de stopper devant l’école. Alors que rien ne le laissait penser d’où il se trouvait ! C’était vraiment bizarre comme sensation…

Et si Orclé était effectivement spécial ?

Il sut instinctivement qu’il y avait une grosse voiture et trois hommes devant l’école.

Ce qu’il aperçut n’était pas pour le rassurer. Un pick-up s’était effectivement arrêté en bas, avec deux hommes sur la plate-forme arrière. Ils discutaient avec le gars un peu trop porté, au goût d’Orclé, sur la découpe humaine. Et le détail inquiétant, c’était peut-être la Kalachnikov que chacun d’eux portait en bandoulière.

Mais le plus frappant, le plus stupéfiant, c’est que ce qu’il voyait par la fenêtre correspondait exactement à l’image mentale qu’il s’en était fait avant de regarder. Spontanément, comme ça. Il aurait pu donner la position des trois hommes au mètre près. Il y avait aussi un quatrième gars au volant, mais celui-ci ne bougeait pas. Il n’était d’ailleurs pas apparu dans sa ‘vision’, ou plutôt sa perception ; même s’il était au fond logique qu’une voiture ait un chauffeur…

Mais qu’est-ce qui lui arrivait ?

Thomas Cruz se rabattit sur Luka et Elena, de nouveau paisible et souriant.

- « Nous avons déjà nettoyé une partie du campus. Si vous le désirez, vous pouvez passer la nuit ici… Il y a des chambres libres. Et demain, peut-être que vous pourrez nous aider à rassembler des survivants ? Je suis persuadé que certains autres ont survécu… Et l’aide de la police est toujours la bienvenue. »

Mais pendant cette petite altercation, Luka venait de remarquer un détail troublant. Lui aussi.
Là où il avait effleuré le front de Zéric quelques secondes plus tôt, où perlaient des gouttes de sang, à l’endroit de sa blessure… et bien, il n’y avait plus ni sang ni blessure !

Oh certes, le pauvre enfant ne respirait toujours plus ; mais sa peau juvénile était à présent exempte de toute souillure !
Même le masque glacé de la mort avait quitté son visage. Pour un peu, on aurait dit qu’il dormait.

Luka s'était déconnecter de la réalité lorsque Thomas Cruz avait commencé son discours religieux. La mort de ses enfants étaient la pire chose qu'il pouvait lui arriver dans sa vie. Le choc est tel qu'il ne savait plus quoi faire à présent. Continuer, pourquoi?

Pendant qu'il pensait, il pouvait voir Elena, Orclé et Thomas discuter, mais il n'avait pas vraiment de raison d'intervenir. La conversation dévia en altercation entre Orclé et le prêcheur. Le jeune homme fit mine de s'en aller, avant de revenir vers la fenêtre précipitamment. Une réaction qui intrigua l'inspecteur, et le ramena vers la réalité qu'il avait fuit ces dernières minutes.

Lorsque Thomas proposa aux survivants de passer la nuit sur le campus, Luka jeta un regard vers ses enfants, comme si il n'avait toujours pas accepter leur départ. Mais une chose frappa le père. Les traces de sang sur le front de Zéric avaient disparu.

Impossible. Avait-il mal regardé? Son imagination lui jouait-il des tours ? La force du choc? Pourtant il en était persuadé, Zéric avait des traces de sang sur le front, il aurait pu le jurer. Il avait toujours eu le don de remarquer les détails. Son imagination, il n'y croyait pas. Il se souvenait très bien de s'être approché de Zéric, et d'avoir éffleuré son front ensanglanté.

Il regarda alors sa main, pour vérifier si il avait des traces de sang sur les mains.

Non, il n’avait pas rêvé. Ce sang caillé était bien là sur son front, comme le rouge sombre qui maculait encore les doigts de Luka.
Surtout, son fils avait une entaille à la tête, bien visible quelques minutes auparavant. Sûrement une trace du moment où les vitres avaient explosé, lorsque le souffle avait frappé l’école, apportant avec lui les millions de débris arrachés à la ville mourante.

Le visage de Zéric était à présent aussi lisse qu’une peau de bébé, comme s’il n’avait jamais subi la moindre atteinte.
C’était à n’y rien comprendre !
Parce que, malgré cela, il n’y avait pas de doute… son corps restait rigide et froid, sans souffle ni mouvement. Mais il semblait préservé… intact.



De son côté, Orclé vit les deux hommes armés montrer au "Docteur Maboul" des traces d’impact sur le véhicule. Le pick-up avait apparemment subi des tirs !
Puis ils aidèrent le chauffeur à sortir. Il grimaçait et marchait avec difficulté. Sa chemise était ensanglantée. Le groupe revint vers l’école, en portant l’homme à moitié.

Elena se tint aux côtés de Luka, pour le réconforter dans cette épreuve. Tandis qu’ils se recueillaient un instant, Thomas Cruz reprit à mi-voix ses prières au ‘Grand Tout’.



- « Monsieur le Directeuuur ! »

Pendant ce temps, les hommes arrêtés devant l’école avaient monté les escaliers, en portant leur camarade blessé et en appelant leur directeur à la rescousse.


- « Oui, je suis ici. Approchez. » dit Thomas en sortant dans le couloir. « Qu’est-ce qui s’est passé ? »

Ils entrèrent, pour déposer sur le bureau un type couvert de sang. Le docteur découpa la chemise pour mieux voir sa blessure.
Les deux autres, toujours armés de kalachnikovs, s’expliquèrent à grands renforts de jurons et de gestes nerveux.

- « Ils nous sont tombés dessus… Les salauds !

- « Ouais, direct comme ça, ils ont tiré. On s’approchait du convoi, on a envoyé le message au mégaphone, comme prévu, et ils ont commencé à nous insulter, cette vermine. »

- « Y’en a même, monsieur le directeur, qui ont dit des choses que je n’oserais pas répéter ici, pas très gentilles pour votre mère… Alors forcément… on a répondu, et là ça s’est envenimé. »

- « Jean-Bapt a été touché. Ils avaient tous des armes, monsieur. Toute la racaille est armée ! On a dû se replier. »

Elena poussa Luka du coude, en montrant les armes des gars. Ils étaient tous deux assez expérimentés en la matière pour savoir que les AK-47 ne se dégottaient pas dans le circuit courant.
C'étaient des armes de truands et de guérilleros. Parce qu'il était peu probable qu'ils viennent de l'ancien bloc soviètique !

Elle se demanda qui d'autre avait des armes ici. Quels étaient les dangers, et quelle cause ces gens armés croyaient défendre ?

- "Tu sais de qui ils parlent ? T'as vu d'autres types armés, toi ? Et d'où ils viennent, ces mecs ?"

N'ayant elle-même aucune réponse, elle en cherchait auprès de Luka. Après tout, c'était lui le flic... Il devait s'y connaître en questions - mais en réponses ?

Luka restait concentré sur sa découverte. Sur ce sang et cette blessure qui avait disparu, comme par pure magie. Les seul traces de leur existence éphémère souillait encore les doigts de l'inspecteur.

Il se prépara à aller examiner son fils d'un peu plus près lorsqu'il reçu un coup de coude. Luka regarda alors Elena, l'auteur du coup, et en suivant le geste qu'elle faisait avec la tête, posa son regard sur les hommes. Alors qu'ils installaient leur camarade blessé sur la table, Thomas s'approcha d'eux. Avait-il des connaissances en médecine?

Des AK-47, c'était bien ces armes que les deux nouveaux arboraient, des armes bien difficiles a trouver.

[- "Tu sais de qui ils parlent ? T'as vu d'autres types armés, toi ? Et d'où ils viennent, ces mecs ?"]

Luka se tourna vers Elena, et parlant à voix basse :
-Je ne sais pas. Je ne connait qu'un autre survivant qui ai des armes. Mais il était seul et la ils disent qu'ils se sont fait attaquer par plusieurs personne. Ce sont peut être les membres des Centuries. Même si je n'en sais pas plus, on dirait que l'association de ce Thomas et celle des Centuries sont en très mauvais termes. Il se passe des choses bien étranges dans cette ville.

Il s'avança vers la fenêtre qui n'avait plus de vitre, posa son bras sur l'armature et sa tête sur son avant-bras. La ville semblait calme, morte, une vraie cité fantôme.

Le centre ville était toujours caché derrière son rideau de fumée et de poussière, son prochain arrêt une fois que tout ici serait reglé.

Leur copain blessé avait l’air en sale état.

- « Il faudrait lui retirer la balle » dit l’homme qu’ils avaient surpris en bas à faire ses petits paquets.

- « Sans anesthésiques ? » demanda Thomas Cruz.

- « On n’a pas le choix. Sinon… »

Il n’en avait manifestement plus pour longtemps, alors… Il ne dit pas ce que tout le monde avait compris.



Le docteur fit chauffer un de ses instruments au briquet, et sortit un écarteur de sa trousse. Il y avait un tas d’instruments en inox, coupants et pointus.

Quand il plongea son scalpel dans la blessure, l’homme hurla. Quand il l’écarta, son cri devint celui suraigu du cochon à l’agonie…et il se mit à remuer sur la table, donnant des coups de reins et grimaçant de douleur.

Thomas fit appel à eux :

- « Vous pourriez nous aider à le tenir ? Il faut à tout prix l’immobiliser. »

Le pauvre homme crachait maintenant tout son sang !

Luka revint sur Terre. Son esprit encore embrumé. Il se tourna et fit un signe de la tête à Thomas. Il se rapprocha de la table, où leur compagnon s'agitait comme possédé.

Il essaya de lui attraper la jambe, mais le pauvre gesticulait tellement, que l'inspecteur se prit un coup de pied dans les côtes.

Rapidement le souffle lui était revenue, et il avait agrippé les deux jambes avec plus de force pour les maintenir contre la table.

" Vous auriez pas un peu de sédatif ?" demanda-t-il

- « Hélas non. Que des antalgiques de base. Mais là, il faudrait de la morphine… Et on pas le temps d’en chercher. »

C’est le médecin qui lui avait répondu. En plus, il n’avait pas l’habitude que ses patients bougent autant. D’habitude, ils étaient moins loquaces… et plus froids !
Il ajouta à l’intention de Thomas Cruz :

- « Il faudrait envoyer des hommes à une pharmacie, à l’occasion. »


Cependant, dès que Luka eut saisi fermement le blessé, il parut se calmer. Le ‘Docteur Maboul’ put extraire la balle plus facilement.
Puis, alors qu’il s’apprêtait à éponger le sang, celui-ci s’arrêta de couler… et sous les yeux ébahis de chacun, la blessure se referma d’elle-même !

Les hommes regardèrent aussitôt Thomas, interrogateurs. Mais il était aussi stupéfait qu’eux… Alors, tous se tournèrent vers Luka…
Et l’un d’eux de murmurer :

- « C’est un élu… »

C’était tout juste s’ils ne le regardaient pas comme le messie en personne !

Dès que Luka saisit les deux jambes de l'homme, celui-ci parut se calmer. Du moins, il était assez calme pour que le docteur puisse lui enlever la balle qui le faisait tant souffrir. Luka détourna alors les yeux, regardant à travers les fenêtres éclatés.

Ce n'était pas tant la vue du sang que Luka ne supportait pas, mais plutôt l'acte en lui même. Il ne savait pas d'où lui venait ce dégout, il savais juste qu'il avait toujours été là. Alors pendant que l'opération se déroulait, Luka se demandait comment il allait faire pour rejoindre l'hôpital dans le centre de la ville.

C'est alors qu'il sentit un mal être survolé la pièce. Un silence les enveloppa. Puis il entendit les nouveaux venus chuchoter. C'est là qu'il se retourna et qu'il aperçut la cicatrice se refermer. Il en resta bouche-bé.

C'est impossible, se disait Luka. Dans ce monde marteler par la science, ceci n'avait aucun sens. Même si l'inspecteur croyait en une force supérieur qui régissait un tas de chose, jamais elle ne s'était manifesté au grand jour.

[- « C’est un élu… »] A ces mots, Luka posa son regard sur l'homme, comme en quête de réponse. Qu'elle était encore ces élucubrations. Puis, il chercha du regard des réponses du coté de Thomas. Même si il pressentait que ce prêcheur allait lui sortir une explication des plus surnaturel, sortit tout droit d'écrits millénaire qui annonce une prophétie, il devait avouer qu'à cette instant, n'importe qu'elle once d'explication pourrait lui servir.

- Euh, dit-il confus en faisant quelques pas en arrière.. quelqu'un pourrait m'expliquer ce qui vient de se passer ?

Thomas hésita. Il se demandait encore si cela ne venait pas de lui… Il était à la fois content de voir que d’autres élus avaient certaines aptitudes, et en même temps déçu de ne plus être le seul, avec le Guide.
A sa connaissance, Luka était la troisième personne à manifester d’étranges capacités.
Il savait que ce n’était pas ses hommes… Bien qu’ils croient être des privilégiés, Thomas savait bien pourquoi ils avaient survécu, pourquoi ils avaient été épargnés… Le groupe avait encore besoin d’hommes de main !

Pourtant, il ne pouvait pas être certain que cela ne venait pas de lui-même, ou d’Elena. Il n’y avait qu’un seul moyen de vérifier.



- « Eh bien… selon l’Apocalypse de Saint-Jean, il y aura 144 000 élus à la fin des temps, les seuls à survivre aux fléaux et à la guerre qui doit enchaîner les forces rebelles pour mille ans.
Les seuls autorisés à vivre dans un nouveau monde de paix et de foi, dans la Jérusalem céleste refondée sur cette terre. »

Plus il parlait, plus cela sonnait comme un bourdonnement hypnotique aux oreilles de Luka. La tête commençait à lui tourner.
Thomas poursuivit encore un peu son sermon du dimanche, avant que Luka ne soit tiré de sa torpeur par une nouvelle citation.

- « C’est notre tâche, notre objectif, de rassembler les élus dans cette ville nouvelle. Ensuite, il est dit que les morts se relèveront, d’abord ceux qui ont péri malgré leur foi, malgré leur pureté…
Tous les autres devront attendre le terme des mille ans, avant de ressusciter. C’est ce que dit le texte ; Apocalypse, 20.
Mais les élus, eux, profiteront bien avant du bonheur de retrouver leurs proches… »

Il savait trouver les arguments. Il savait dénicher les souffrances humaines, pour mieux rallier à sa cause.

- « Et nous savons déterminer si quelqu’un est un élu. S’il porte la marque des fidèles, ou celle des impies !
Ca vous dirait, de passer le test ? »

Et voila, comme l'inspecteur l'avait prévu, Thomas déversa un flot de propos religieux, sans vraiment donner de précisions claires à Luka. Ces élus seraient ni plus ni moins que..... des élus, des personnes qui auraient été choisis. Par qui et pourquoi, cela restait un mystère.

Puis il semblerait que les mort se relèveraient. Cela sonnait aux oreilles de Luka, comme un scénario de vieux films de zombie.

Plus Thomas parlaient, plus Luka se perdaient dans ses paroles.

Puis le précheur toucha le point sensible : Les élus retrouveront leur proche. Que voulait-il entendre par là? Faisait-il référence à sa femme qui était encore dehors, ou bien à ses enfants qui gisaient à quelques mètres de là ? Y avait_il un moyen pour ramener les personnes qu'il chérissait le plus ?

Si il n'y avait que l'espoir d'un tel miracle, il se devait de l'attraper. Mais cela n'allait-il pas à l'encontre de la nature?

- La marque des élus vous dites... il réfléchissait encore et toujours, torturés par ses propres pensées. Je le passerais votre test, en quoi ça consiste?

Même si Luka ne croyait pas trop les dires du prêcheur, une partie de lui esperais qu'un miracle se produirait.

- « C’est tout simple. Nous avons un ‘énergomètre’, pour mesurer les niveaux d’énergie subtile.
Cela nous dira si vous êtes accordé avec l’Univers, ou si vous auriez besoin d’un rééquilibrage énergétique, pour profiter pleinement de vos capacités. »

Il disait ça comme si ça coulait de source.

- « Vous me suivez ? L’appareil est dans mon bureau. Nous avons dressé un point de rassemblement sur la place du campus. »

- « Très vite alors… Parce qu’on a des gens plus importants à chercher… »


Tout ça sonnait encore à ses oreilles comme du charabia, plus ou moins ésotérique, et à forte tendance charlatanesque !

Elle n’était pas loin de soupçonner un tour de passe-passe, pour cette guérison miraculeuse. Elle en avait vu d’autres à la télé, des embobineurs.

Elena interrogea Luka du regard. Elle semblait vouloir dire « t’es ok ? »

Un energomètre, et puis quoi encore ! Où avait-il été péché ça ? Tout ça ne sentait pas la rose, mais bon, Luka se sentait en sécurité avec son arme à la ceinture.


Elena avait raison, des personnes plus importantes nous attendais. Puis elle se tourna vers Luka qui acquiesça en la regardant.

"Qu'est ce qu'on attend, aller on y va. "
Sur ces mots, il remit son sac sur l'épaule et suivit Thomas dans le bureau .

Ils redescendirent ensemble. Orclé avait disparu. Plus de traces du jeune rasta…

Thomas les guida jusqu’au centre du campus. Apparemment, ils avaient déjà organisé leur QG ici. Un écran géant diffusait la bonne parole d’un barbu célèbre…

- « Notre Guide ! » annonça fièrement Thomas.




Luka l’avait forcément reconnu. Cela en disait long sur le sérieux de leurs théories !



Thomas ouvrit son bureau à clef, un bâtiment administratif qu’il avait réquisitionné.
Il sortit d’un placard l’appareil en question. Un bête truc métallisé, comme une centrale vapeur, mais avec l’empreinte d’une main à la place du fer, et une rangée de diodes colorées sur le côté.

Il invita Luka à y poser la main en premier…
Dès lors, les loupiotes s’allumèrent du jaune à l’orange, et de l’orange au rouge… avant de redescendre à la première couleur.

- « Moui, moui, c’est bien ce que je craignais. Vous avez le potentiel, l’énergie nécessaire pour faire partie des meilleurs, de l’élite ! Mais vous auriez besoin de retrouver votre équilibre, vos appuis fondamentaux. Pour marcher sur vos deux jambes. »

Alors Luka sentit une piqûre au bout du doigt… Et une lumière verte s’alluma sur l’engin.


Thomas ne cessait pas de parler, de s’agiter d’un pied sur l’autre, et de faire des grands sourires. Il avait l’air content.

- « Nous pouvons vous aider, à vous retrouver pleinement. A faire partie des winners de demain.
En temps normal, je vous aurais proposé des stages de méditation et un abonnement à nos publications, mais là… vous pourriez peut-être déjà rejoindre notre groupe ? Participer à notre grand but ? »

Puis il porta l’estocade finale de son interminable discours :

- « Si nous retrouvons l’enfant que nous cherchons, les vôtres reviendront à la vie, j’en suis sûr ! »

Luka suivit Thomas jusqu'à son bureau. Celui-ci se trouvait dans un autre bâtiment, et en passant dans la cour, Luka remarqua l'écran géant sur lequel un vielle homme prêchait la bonne parole. L'inspecteur ne le reconnut pas de suite, mais après plusieurs seconde, son visage lui revint en mémoire : Crapo Banane. Ça ne pouvait être que lui. Il avait fait parler de lui il n'y a pas si longtemps. Il avait prédit que quelque chose se passerait le jour de l'éclipse. En y repensant maintenant, Luka se dit que finalement, il n'avait pas tort.
Thomas remarqua l'interêt de Luka, et l'informa que cet homme était leur guide. Ce qui apporta un certain doute chez L'inspecteur, suspicieux de nature. Tout ceci avait un gout trop mystérieux à son humble avis. Quelque chose clochait, mais il n'arrivait pas à mettre le doigt dessus. Il ne semblait pas encore avoir toute les pièces du puzzle.

La machine de Thomas semblait tout droit sortit d'un film de science fiction. Des diodes s'allumèrent, et Thomas rayonna. L'inspecteur devait représenter quelque chose de spéciale aux yeux du prêcheur. Luka laissa aller ses pensées, il pensait à tout ce qui c'était passer ces dernières heures, et nombre de choses restaient inexpliqué. Il sentit alors une piqure au bout de son doigt, mais ne broncha pas. Mais cette petite douleur l'obligea à ramener son attention sur Thomas, qui continuait de déverser son lot de psaume et de parole biblique.

-Votre But? Quel But? de quoi vous parlez? Et qui c'est ce groupe dont vous parlez ?

L'inspecteur sentit son sang s'échauffer lorsque plus de mystère vinrent s'ajouter à son propre lot.

-Va peut-être falloir tout nous dire maintenant sur qui vous êtes, et ce que vous voulez. Et qui sont ces personnes qui ont attaqués vos amis, on aurait dit que vous saviez qui c'était.

Thomas termina son speech, et Luka reprit

-Vous chercher un enfant. Quel enfant? et pourquoi?

Les derniers mots de Thomas avait touché l'inspecteur, mais il decida de ne rien montrer. Pour l'instant, il ne voulait pas croire au retour des morts, même si l'espoir d'un miracle était encore dans son coeur.

- « Notre groupe, je veux dire l’Eglise de la Synergie, bien sûr…
Si vous avez la foi et la force d’esprit qui font les élus, je pourrais faire de vous un initié du premier cercle. Pour commencer...

Acceptez, et je vous ferai la première révélation !
Cela répondra à toutes vos questions. Même votre vie prendra un sens. »

L'église de la synergie, Luka n'en avait jamais entendu auparavant. Ça devait être une secte, ou un truc dans le genre. Ça sentait bien mauvais en tout cas. Luka était de plus en plus perdu. Un nombre incalculable de question se bousculait dans sa tête, en même temps que des questions sur le bien être de sa femme. Déjà que ses enfants était partit, si sa femme aussi, il ne savait pas ce qu'il allait devenir. Et Thomas avait su faire naitre en l'inspecteur un espoir de les voir revenir. Un peu comme la blessure de son fils qui avait mystérieusement disparu. Luka voulait y croire, mais une part de lui même restait septique.

-Un initié du premier ordre, c'est quoi? et si c'est pour commencer, y'a quoi ensuite?

Mais comme dans chaque conversation qu'il avait eu avec le prêcheur, ce dernier réussissait toujours à mettre le doigt sur ce qui touchait l'inspecteur, comme si il le connaissait au plus profond. Toute les réponses avec une seule révélation. Luka voulait la connaitre, mais qu'est ce que cela entrainerai après?