Une rencontre fortuite...

[- « Je crois bien que ma voiture vient de décéder... » ]

- « Paix à son âme. Au moins nous n’aurons pas à l’enterrer ; c’est déjà fait. »

Luka désigna une ambulance renversée. Alors qu’il s’aventurait en terrain découvert, Wolf prit le soin de scruter soigneusement les alentours ; murets, fenêtres et autres véhicules… tout ce qui pourrait servir d’abri pour une embuscade.
Les lieux paraissaient déserts, mais un frisson inexplicable lui hérissait néanmoins les poils de la nuque… Wolf réassura la prise sur son arme. Il couvrait l’imprudent, déjà prêt à fouiller dans l’ambulance devenue corbillard.
Toujours rien. Pourtant il aurait juré que…
En rejoignant son nouveau « frère d’armes », il lâcha juste :

- « Si tu trouves de l’alcool à 90°, mets m’en une bouteille de côté. »

Quand soudain :
Wolf émit un léger sifflement inspiré, pour attirer discrètement l’attention. En portant un doigt vertical à sa bouche close. Puis il indiqua le sol du même doigt.
Quelques gouttes de sang frais avaient teinté le bitume noirci. Etait-ce un pied humain qui en avait étalé les contours ?
Toujours sans un mot, le capitaine retrouvait ses instincts de commando. Il fit signe à Luka de contourner le tacot abandonné. Pour surprendre en tenaille tout éventuel adversaire…

Luka perçut le signe de Wolf. Son regard se dirigea vers le sol, ou des taches rouges maculaient le bitume. Luka comprit vite qu'il s'agissait de sang.

Le sang est frais, il y a donc d'autres rescapés pensa Luka.

Il reprit alors confiance. Si il y avait d'autres survivants, tout n'était pas perdu. Wolf lui fit signe de contourner l'ambulance, la main sur son arme. Luka ne comprit pas au début la réaction de Wolf. Pourquoi avait-il la main sur son arme? Ces traces de sang devait provenir d'un survivant? Peut-etre que Wolf en savait plus sur cet incident qu'il ne voulait en dire. Dans tout les cas, Luka l'imita. Posant une main sur son glock, il fit le tour du véhicule. Il ne voyait rien d'étrange encore, les traces de sang n'étant pas de son coté.

Les deux hommes qu'elle espionnait discrètement depuis l'ambulance se dirigeaient vers elle et aucun moyen de se sauver sans se faire remarquer. Il fallait qu'elle trouve une idée, quelque chose pour les neutraliser et vite, ils n'avaient vraiment pas l'air commode surtout le vieux pirate, il faisait peur, le capitaine crochet de ses anciens livres d'images disposait d'une bouille plus avenante.

N'ayant pas de crocodile sous la main, ni de tic-tac fichant la trouille, Cassie se rabattu sur les moyens du bord. L'intérieur de l'ambulance était un vrai capharnaüm, il lui faudrait du temps pour tout explorer mais n'en détenait que très peu, les affreux n'allant plus tarder à l'attraper. Elle inspecta et répertoria rapidement ce qu'elle avait sous les yeux : des tiroirs que le choc n'avait pas réussi à ouvrir autant dire inutile pour elle, des instruments de toutes sortes mais qui ne ferait pas de mal à une mouche et le cadavre du docteur gisant à ses pieds. Oui ! La solution était là, pour une fois qu'il allait lui servir celui-là.

Elle retourna de toutes ses forces ce corps sans vie d'une incroyable lourdeur. Elle constata avec un dégoût marqué la cause du décès : le crâne s'était méchamment fracassé lui envoyant des monceaux de cervelles gluantes couler sur elle alors qu'elle le fouillait. Ce devait être dans ses poches, à quelque part, il en gardait toujours sur lui au cas où elle piquait une de ses crises n'en pouvant plus d'être enfermée.

Là ! Ses mains s'emparèrent d'une petite pochette et d'un minuscule flacon. Elle déchira fébrilement l'emballage contenant la seringue et libéra l'aiguille comme elle l'avait vu si souvent faire. Ignorant combien de produit il lui faudrait pour être efficace, elle décida de faire le plein puis lâcha le flacon qui alla rejoindre fidèlement son propriétaire. Avec ça, le premier monsieur qui arriverait à elle aurait de quoi avoir la tête suffisamment lourde pour un tour d'horloge gratuit au pays imaginaire. Cassie s'accroupit seringue en avant, invisible et prête à bondir comme un chat avant de s'enfuir dans une course effrénée.

Le commissariat était un bâtiment trapu, isolé sur une petite esplanade ceinte de grillages, désormais bringuebalants. Cette ambulance avait-elle été apportée là par la déflagration ? Ou s’apprêtait-elle à entrer dans le parking lorsque le phénomène a eu lieu ?
Cela aurait le mérite d’expliquer l’état des voitures, si le garage était ouvert à ce moment…
Mais dans ce cas, il s’agirait forcément d’un transfert de prisonnier. Vers, ou à partir de, l’hôpital.
Qu’on l’y envoie, ou qu’il en revienne, c’était toujours quelqu’un de suspect.
‘Au minimum… autant que moi !’
Et puis, dans ces circonstances de désastre humain, qui songeait d’abord à se cacher n’avait pas tout à fait la conscience tranquille…
Peut-être aurait-il agi de même, si Wolf avait été faible !
Mais dans l’immédiat, il avait de plus en plus conscience d’une présence… hostile ?

Décrivant un large arc de cercle, les deux hommes firent irruption simultanément de l’autre côté du véhicule renversé… Personne !
Le fuyard avait juste eu le temps de se faufiler de nouveau à l’intérieur. Par un vasistas du toit ! Il ne devait pas être bien costaud.
On entendait distinctement un petit bruit de plastique froissé provenir de l’intérieur.
Tandis qu’à l’avant, Luka gardait bien en vue le conducteur immobile, Wolf se plaça à trois mètres de la porte arrière. De là, il pouvait voir l’intérieur de l’ambulance ; et tout ce qui pourrait tenter d’en sortir par le toit !

Alors, il fit ce que, de l’aveu même des policiers, était le plus dissuasif au monde, il arma le fusil à pompe en le faisant coulisser. Ce bruit si caractéristique annonçait toujours l’imminence d’un déluge de feu !
Et tout en le braquant vers l’origine des sons :

- « Qui que vous soyez, sortez de là… Vite ! »

Luka avait atteint la vitre du conducteur. La cabine était emplie de sang et un corps était là. Le conducteur n'avait pas survécu, c'était une certitude. Il semblait avoir été coupé net au dessus du bassin, et sa nuque était sans aucun doute brisée.

Lui n'a pas survécu, mais il n'aurait pas pu faire ces marques de sang sur l'asphalte, il doit y avoir quelqu'un d'autre...

La main toujours sur son arme fétiche, Luka dévisagea l'interieur de l'habitacle. Rien ne semblait utilisable, tout était en morceaux. Luka entendit alors un bruit venir de l'arrière de l'ambulance, comme si quelqu'un fouillait quelque chose. De là où il était, l'inspecteur ne pouvait rien voir de se qui se tramait à l'arrière. Mais il avait l'ouïe fine, et il en était persuadé maintenant : il y avait bien un autre survivant que lui et Wolf.

[- « Qui que vous soyez, sortez de là… Vite ! »]

Luka sursauta en entendant Wolf crier ses paroles. Il s'écarta de quelques mètres de l'ambulance, jusqu'à voir Wolf menaçant de son arme l'arrière de l'ambulance. Il se dirigea lentement vers lui, la main toujours sur son glock.

Cassie était terrorisée par la voix impressionnante aboyant dehors. Elle se ramassa encore plus sur elle-même au fond de l'ambulance, tremblante à l'idée de se faire prendre par les méchants. Car maintenant c'était sûr, ils ne pouvaient qu'être ces vilains messieurs qui sortaient le soir faire peur aux petites filles. Sa maman l'avait assez prévenue, elle n'y croyait pourtant plus mais elle réalisa son tord.

Son coeur manqua de sortir de sa poitrine à plusieurs reprise alors qu'elle tentait désespérément de garder son calme.

Pas paniquer non ! Ils vont s'en aller, ils vont partir...

Cassie respirait rapidement en se concentrant sur son arme improvisée. Elle essayait de dissimuler son souffle de plus en plus court de toutes ses forces mais la tension que l'homme lui imposait ne l'y aidait pas.

Que faire ? Attendre, oui ! Attendre et après ?...

Pas de réponse. Etait-il sourd ou bien juste froussard ? A bien écouter, on aurait pu deviner une respiration étouffée.
Wolf envisagea un instant de balancer une grenade lacrymogène à l’intérieur. En d’autres temps, il l’aurait fait sans hésitation. Mais le drame l’incitait à plus de mansuétude envers son prochain… et n’importe quelle denrée était devenue rare ! Inutile de gâcher.
Il donna une dernière chance au blessé apeuré.

- « Je crois qu’on est tous dans le même bateau ici. On ne vous veut aucun mal - pour peu que la réciproque soit vraie. », ajouta-t-il en baissant d’un ton.
- « Allez, montrez-vous ! Vous avez besoin de soins… et personne ne va vous remettre en prison… On devrait plutôt s’entraider. »

Il avait parié à tout hasard sur l’exactitude de sa théorie, avec un clin d’œil à Luka.
S’il ne se décidait pas à sortir, il allait falloir employer la manière forte, ou pire… abandonner l’un des derniers humains vivants à son triste sort solitaire !

Luka était arrivé à l'arrière de l'ambulance, mais toujours aucune nouvelle d'un survivant à l'interieur. Pourtant, on entendait distinctement le souffle court d'une personne.

Il doit être térrorisée

Luka regarda en dircetion de Wolf, comme en recherche d'une marche à suivre.

[ - « Je crois qu’on est tous dans le même bateau ici. On ne vous veut aucun mal - pour peu que la réciproque soit vraie. », ajouta-t-il en baissant d’un ton.
- « Allez, montrez-vous ! Vous avez besoin de soins… et personne ne va vous remettre en prison… On devrait plutôt s’entraider. »]

Wolf n'était pas un si mauvais gars après tout, ou bien c'était un sacré bon menteur. Mais Luka croyait en ce qu'il disait. Un clin d'oeil de Wolf, et Luka se dirigea vers la porte.

- On ne vous veux aucun mal, je vous assure. Pourquoi ne pas sortir pour qu'on puisse vous soigner. On est tous dans le même bateau.

Sans s'en rendre compte, Luka réutilisait les même mots que Wolf. Il sonnait bien juste en cette situation. En même temps qu'il disait cela, Luka enpoigna la poigné de la porte, et l'ouvrit dans un grincement d'outre-tombe.

Cassie n'en pouvait plus d'être terrée comme un lapin apeuré, elle se sentait oppressée, à deux doigts de suffoquer complètement à l'idée d'être retenue prisonnière de l'ambulance. La liberté lui revenait enfin et voilà que ces deux hommes sonnaient le glas de ses espoirs. Elle se força à agir pour ne pas finir comme ces oranges frais qu'elle prenait au petit déjeuner : pressée et sans jus. Sa voix fluette perça le silence depuis le fond du véhicule, elle n'était pas très assurée mais audible et claire.

- Vous ne me ferez pas de mal ? Parole ?

Cassie camoufla la seringue sous une pile d'objets sans valeur qui n'attirerait pas l'attention. Que diraient ces hommes s'ils la voyaient armée ? En plus à deux grands contre elle, vouloir les neutraliser était de la bêtise mais au cas où elle aurait de quoi se défendre. Son souffle s'apaisa à mesure qu'elle reprenait ses esprits et cette froide conscience qui lui avait valu sa terrible gloire passée.

Cassie sorti timidement la tête en regardant le dangereux monsieur par en-dessous. Il faisait encore plus peur de près et elle n'était pas très rassurée. Elle se leva doucement et avança craintivement prête à bondir tel un chat pour se planquer. Ils étaient fort à ce jeu là, les attraper demandait beaucoup de patience et d'ingéniosité. C'était aussi l'un de ses loisirs préférés, repenser à eux lui permit de rassembler assez de courage pour affronter le regard du pirate. Elle avait néanmoins gardée ses distances comme un chat suspicieux évitant de se faire capturer.

- Parole ?

Elle avisa paralysée le deuxième homme se tenant juste devant elle. Il avait déjà l'air plus sympa, il était plus mignon aussi, plus propre, elle risqua un petit sourire en sa faveur, l'inquiétude n'ayant pas disparue de ses beaux yeux bleus pour autant.

Une petite voix ténue s’échappa de l’habitacle.
‘Mince alors ! Une gamine !’

Wolf remit son fusil en bandoulière. Une frimousse mutine sortit d’entre les produits médicaux en vrac. Elle avait le regard incertain de l’animal traqué… Pourtant, lorsque leurs yeux se croisèrent, il crut déceler comme une vague lueur de défi. Sous ces mèches blondes couvait une force arrogante.
Elle paraissait mieux disposée envers Luka. Ce timide sourire allait-il amadouer le jeune homme ?

– « Parole. Tu n’as rien à craindre. » - En gardant ses distances pour ne pas l’effrayer plus encore.
- « Tu as mal quelque part ? …Soif ? »

Il sortit une canette d’Orangina de son treillis, en la remuant d’un mouvement du poignet.
‘ Mais pourquoi est-il si méchant ? ...Parce que ! ’

[- Vous ne me ferez pas de mal ? Parole ?] dit une petite voix.

Merde, c'est une gamine

Luka sentit son coeur frémir lorsque ses yeux se posèrent sur la petite fille qui sortait hésitante de la carlingue. Luka lacha son arme, et tendit la main dans sa direction, arborant un petite sourire sur son visage.

[- Parole ?]
- Parole, répondit Luka
[– « Parole. Tu n’as rien à craindre. »] dit Wolf à son tour.

Luka était tout de même perplexe. Pourquoi cette gamine avait tellement peur qu'on lui fasse du mal ? Il faut dire que dans tout ce chaos, on ne devait pas s'attendre à mieux. Luka jeta un coup d'oeil dans l'ambulance et découvrit le médecin, mort.

Quelle horreur, et dire que la petite était la dedans

[- « Tu as mal quelque part ? …Soif ? »]

Luka en avait même oublié le sang sur le bitume.

- Tu es blessé surenchérit Luka, toujours le sourire aux lèvres.

Elle lui rappellait tellement quelqu'un.

Une autre survivante, tout est possible pour eux.

- « Vas-y. Donne lui ; ça la calmera. »

Wolf lança la canette à Luka.

- « Y’a des pansements juste derrière elle. Si le petit chaton farouche veut bien se laisser examiner… »

Cassie eut du mal à suivre pressée de questions s'enchaînant de toute part. Ses épaules retombèrent alors qu'elle se détendait légèrement. Elle regarda la canette se balancer de Wolf à Luka avec envie, c'était nettement mieux que le régime à l'eau.

- Je veux bien, merci.

Elle s'approcha de Luka pour la prendre avançant timidement la main de peur de se faire chopper. Ils jouaient peut-être la comédie comme ces docteurs lui parlant d'un côté alors qu'ils lui piquaient sauvagement le bras de l'autre. Elle prit tout de même l'assurance de dissimuler ses poignets afin de ne pas les alarmer sur ses cicatrices. Elle n'aimait pas trop qu'on lui pose des questions, elle avait suffisamment subit d'interrogatoire pour toute une vie.

- Je vais bien, j'ai juste un peu mal au pied...

Elle posa la question fatidique qui la tracassait depuis son réveil, ils étaient vieux, ils devaient savoir, eux.

-... que s'est-il passé ?

Sa frimousse se porta sur le décor qu'elle ne se lassait pas d'explorer du regard, insouciante de leurs questions plus terre à terre. C'était vraiment incroyable de voir tout ce fourbi, celui qui avait fait ça se ferait sacrément tirer les oreilles et elle ne voulait pas être à sa place... enfin s'il avait encore une maman.

[- « Vas-y. Donne lui ; ça la calmera. »]

Luka attrapa la canette au vol, deviant ainsi son attention de la petite fille.

[- Je veux bien, merci.]

Elle s'approcha alors lentement de Luka, et tendit la main pour prendre la cannette.

Elle a fait un pas, c'est très bon signe
[- Je vais bien, j'ai juste un peu mal au pied...]
[- « Y’a des pansements juste derrière elle. Si le petit chaton farouche veut bien se laisser examiner… »]

Luka attrappa une trousse dans l'ambulance et se retourna vers la petite fille.

- Alors, tu es d'accord pour me laisser voir ce que tu as? demanda-t-il.

Luka retira alors de la trousse un lot de bande et de l'antiseptique. Il était déjà bien habitué avec les enfants et les petits bobos.

[-... que s'est-il passé ?]

Luka ne savait pas quoi répondre, étant donné qu'il n'en savait pas plus qu'elle à première vue.

- Et bien, en fait, je ne sais pas trop. Je me suis réveillé dans mon bureau et tout était déjà comme ça. C'est quoi la dernière chose dont tu te souviens? Tu sais où sont tes parents?

Cassie retira vivement la main avec son butin. Le beau monsieur voulait la soigner et elle ne voyait aucun inconvénient à se faire dorloter, c'était même plutôt cool. Elle avança son petit pied vers lui, un peu gênée parce qu'il n'était pas tout propre. Gêne qui s'amplifia intensément sur ses joues lorsqu'elle réalisa qu'elle n'était pas en tenue correct devant des messieurs mais elle ne pouvait plus reculer.

Ce n'était qu'une plaie peu profonde mais ennuyante lorsqu'il fallait marcher dessus. Elle avait bien d'autres écorchures ici et là mais rien de grave. Elle gardait la canette précieusement contre sa poitrine comme piètre paravent pour se cacher. Il lui faudrait vraiment trouver des habits et vite ! C'était devenu une priorité pour elle. Sa maman l'aurait déjà grondée pour trainer comme ça dehors.

Cassie sursauta lorsque Luka lui posa une question sur ses parents alors qu'elle en oublia la première. Elle était prise au dépourvu et ne savait pas quoi dire. Elle se traita d'idiote alors que plus elle trainait à répondre plus elle devait paraitre cruche ou menteuse.

- Heu... non, je ne sais pas... je veux dire que si mais ils ne sont plus là depuis longtemps.

Elle se sentait terriblement empruntée et ne savait plus où regarder pour ne pas le voir. La seule chose qu'elle souhaitait c'était de récupérer son pied et se sauver mais elle n'osa pas tant qu'il n'avait pas fini ses soins.

Cassie avait sursauter lorsque Luka avait parlé de ses parents. Elle répondit d'une tout petite voix.

[- Heu... non, je ne sais pas... je veux dire que si mais ils ne sont plus là depuis longtemps.]
- Oh, je suis désolé.

Luka n'avait jamais vraiment sus comment réagir dans des moments pareils. Aucun mot ne semble nous réconforter. Tout en la voyant regarder autre part, il continuait de soigner sa blessure.

- Je vais te bander les pieds, comme ça tu aura moins mal jusqu'à ce qu'on te trouve des chaussures. Et peut-être aussi des vêtement si tu as envie d'enlever ces vetement un peu sale.

Ainsi, Luka sortit un autre rouleau de bandage et envelloppa de manière très douce l'autre pied de la petite fille.

- Je m'appelle Luka, lui dit-il. Et lui, c'est Wolf.
- Il a l'air un peu méchant comme ça, mais il ne mord pas, lui chuchota Luka dans l'oreille.
- Et toi, comment tu t'appelles?

‘Ils ne sont plus là depuis longtemps… Marrant comme les gosses ont très tôt le sens de l’euphémisme. Pudeur naturelle ? Ou prédisposition à l’hypocrisie qui régit nos sociétés ?
Sûrement une manière de s’adapter aux formules mielleuses que les adultes leur servent généralement. Comme s’ils n’étaient pas en mesure de comprendre… Tu parles !
En même temps, dans le cas présent, c’est pas plus mal ; ça va nous éviter de lui apprendre une mauvaise nouvelle…’

Wolf hésitait entre le tact et la brutale franchise. Autant garder ses analyses cyniques pour lui-même. Diogène en personne ne l’aurait pas renié. Trouver un tonneau dans cette ville ne devrait pas être trop compliqué !
Luka semblait plus doué avec les enfants. Autant le laisser faire.

Elle serrait la boisson contre son cœur, emmitouflée dans sa blouse d’hôpital. Une petite moue gênée lui redonnait des couleurs. C’en était presque craquant…
Wolf préféra détourner le regard ; pour échapper au redoutable pouvoir attendrissant des fillettes.
‘N’empêche… Y’a quand même un truc qui cloche…’

Cassie n'en voulu pas à Luka, il ne pouvait pas savoir qu'elle les avait toujours auprès d'elle, dans son coeur pour l'éternité. Elle n'était pas triste de leur perte, juste nostalgique d'une vie qu'elle aurait aimé prolonger avec eux si rien n'avait changé. Elle acquiesça à ses dire et se laissa faire docilement jusqu'aux présentations.

Wolf ? Elle savait ce que ça voulait dire, sa maîtresse leur faisant parfois quelques initiations à cette langue. Cassie s'amusait beaucoup en cour d'anglais, c'était l'occasion de dire n'importe quoi en ayant l'impression d'être comprise. Elle trouva toutefois étrange de porter ce genre de nom, il faisait plutôt héros de bande dessiné mais elle l'imagina bien plus comme un "Vil le coyote". Wolf eut le droit à un regard espiègle à cette pensée et Luka à une petite fille remuante avant qu'il ne la rappelle à l'ordre en lui demandant son prénom. Elle devait trouver quelque chose comme Wolf, un truc qui fasse bien et impressionnant.

- Alice !

Sa bouche n'avait pas su résister à citer le premier prénom qui lui traversa l'esprit. Elle fut déçue en entendant sa propre voix, non qu'elle n'aimait pas Alice, c'était très beau et le nom de sa meilleure amie mais elle aurait espérer trouver mieux. De dépit, elle essaya de déboucher sa canette d'Orangina mais sans y parvenir. Elle observa de nouveau Wolf plus curieuse que méfiante ce coup-ci mais n'osa pas encore lui adresser la parole. Luka lui avait dit qu'il ne mordait pas mais il avait l'air d'avoir de plus grandes dents qu'un toutou et elle ne voyait pas l'avenir en petit chaperon rouge même si elle aimait cette couleur.

Elle s'acharna une dernière fois par acquis de conscience sur sa canette mais rien n'y faisait. Elle tenta une approche plus orienté sur la pratique que par soucis de sociabilité et parce que Luka était déjà bien assez occupé à la momifier.

- Heu... Monsieur Wolf ? Pouvez-vous me l'ouvrir ?

‘Alice, hein ? …Ben, pour le Pays des Merveilles, tu repasseras !’
Il jetait toujours des regards furtifs alentour, comme si la réalité avait encore du mal à s’imprimer. Mais c’était dans sa nature. « Qui-vive » aurait pu être son second prénom !

La question l’arracha à sa surveillance. Visiblement surpris, il se rapprocha de la jeune fille en haussant un sourcil.
- « Bien sûr. D’un doigt. » Et pschitt ! Il lui tendit le soda en retour.

- « Comme ça tu t’appelles Alice ? Ca tombe bien. Monsieur Luka ici présent est un gros lapin blanc pressé ! »

Wolf tenta un sourire en coin vers le lapin penché sur sa malade. Et après quelques gorgées acidulées :

- « Alors petite… qui s’occupe de toi d’habitude ? »

Cassie remercia poliment Wolf en se désaltérant allègrement. C'était rudement bon, peut-être même un Orangina millésimé comme disait papa, elle avait eut de la chance. A la citation d'Alice, elle tourna vivement la tête vers Luka. Il n'eut pas de mal à s'imaginer transformé par ses yeux en gros lapin avec de belles oreilles en moumoute blanche et une carotte... et une carotte.

Elle rit de bon coeur à cette vision, ne pouvant plus se retenir évacuant tout ce stress qu'elle avait du mal à supporter, le son se distordant étrangement au milieu de cette rue tirée de films d'horreur. Mais il ne dura pas, Wolf la douchant d'eau froide par sa question après s'être un peu réchauffé en riant. Wolf serait-il écossais ? Cassie ne se préoccupa pas de cette piste pourtant prometteuse de mystères et perdit son sourire : qui s'occupait d'elle ? Que répondre à ça ? Jess s'occupait d'elle, son infirmière mais si elle le disait ils voudraient l'y amener pour sûr. Mentir mais en disant quoi ? Elle leur avait déjà révélé qu'elle n'avait plus de parents et personne d'autre de sa famille n'était venu la voir depuis deux ans.

- Le papa et la maman de ma meilleure amie. Ils sont gentils... enfin...

C'était la seule famille qu'elle connaissait bien et où elle ne se perdrait pas dans des mensonges trop compliqués pour elle. Cassie espérait qu'ils n'avaient pas déménagés suite à la perte de la vraie Alice... ce n'était pas une si bonne idée après tout. Elle devait attirer leur attention sur autre chose, elle pensait bien qu'ils ne la lâcheraient pas comme ça dans la nature et elle devait prendre l'avantage de l'initiative pour qu'on ne lui pose plus trop de questions auxquelles elle n'avait aucune envie de répondre.

- On fait quoi ? On pourrait aller dans un magasin de vêtements ?

Elle aimait faire du shopping et fouiner partout dans les boutiques. Rien qu'à l'idée elle retrouva un peu de son sourire. Puis c'était nettement mieux que traîner devant un commissariat tout triste.

[- « Comme ça tu t’appelles Alice ? Ca tombe bien. Monsieur Luka ici présent est un gros lapin blanc pressé ! »]

Luka sentit un un fou rire au bout de ses lèvres, mais ne le laissa pas éclater. Entendre Wolf dire ça avait provoqué une réaction inattendu chez lui. Un lapin blanc, personne ne l'avait encore surnommé comme ça. Mais quand le regard d'Alice se posa sur lui, un regard d'où toute peur et tout desespoir avait disparu, Il se dit que c'était pour la bonne cause. Revoir une enfant qui avait survécu à ce calvaire sourire était un bien inestimable. D'autant qu'elle les lui rappellait.

[- « Alors petite… qui s’occupe de toi d’habitude ? »]

Alice sembla troublé à cette question. C'était normal. D'habitude, les personnes qui s'occupent de nous sont nos parents. Or Alice n'en avait plus.

[- Le papa et la maman de ma meilleure amie. Ils sont gentils... enfin...]

Au moins, elle n'est pas seul, dans un orphelinat

[- On fait quoi ? On pourrait aller dans un magasin de vêtements ?]

Il est vrai qu'elle n'avait pas de vrais vetements. Ils étaient tout déchiré à cause de l'inccident.

- Ne t'inquiètes pas, il y a une boutique de vetement sur le chemin de l'hospital.

L'hôpital ? Son coeur se serra à l'idée de devoir y retourner. Elle s'obligea à respirer pour ne pas être prise d'angoisse. Voulaient-ils vraiment y aller ou Luka avait annoncé ça par hasard ? Elle devait en avoir le coeur net. Elle commençait à bien les aimer, même le vieux grigou, mais elle n'irait pas les suivre dans cette prison horrible.

- Après faudra faire des courses, je sais bien cuisiner vous savez, j'ai appris... mais faut que ce soit des choses simples, ajouta-t-elle d'une voix moins enjouée.

Elle ne pouvait pas faire beaucoup pour les aider mais ça elle savait, sa maman le lui avait appris même si ses connaissances ne dépassait pas de beaucoup le stade de l'omelette. D'un autre côté elle saurait si gagner l'hôpital était urgent pour eux, ils lui refuseraient cette idée. Il ne lui restera alors plus qu'à trouver un plan judicieux pour se dérober à eux dans le magasin.

- « Pour la tambouille, ça risque d’être un peu compliqué. Sinon, tu sais où ils habitent les parents de ta copine ? …Ce sont tes parents adoptifs, non ? Tu dois connaître leur nom de famille… »

Elle paraissait alternativement soulagée et inquiète. Wolf doutait qu’on puisse la déposer dans sa famille d’accueil ; mais qui sait ? L’optimisme de Luka allait peut-être finir par porter ses fruits.
Si la fillette avait maintenant deux gros pâtés blancs en guise de chaussons, restait encore à la vêtir. Et vite. La nuit allait bientôt tomber.
Une solution d’urgence s’imposait... Il ne vit pas trente-six alternatives.

Luka avait fini de bander les pieds de la petite Alice. il se leva et regarda dans l'ambulance. Plus grand chose n'était utilisable, mais il restait quand même quelque chose. Il agrippa une trousse de premier soin et la fourra dans son sac tandis que Wolf et Alice discutait.

[- Après faudra faire des courses, je sais bien cuisiner vous savez, j'ai appris... mais faut que ce soit des choses simples, ajouta-t-elle d'une voix moins enjouée.
- Pour la tambouille, ça risque d’être un peu compliqué. Sinon, tu sais où ils habitent les parents de ta copine ? …Ce sont tes parents adoptifs, non ? Tu dois connaître leur nom de famille… ]

Luka avait l'impression que Wolf n'était pas à l'aise avec la petite fille. La désolation qui regnait sur la ville n'avait rien laisser sur son passage. La majorité des personnes, pour ne pas dire la totalité à part eux trois, pour l'instant, étaient mort. Il redoutait que les parents de sa copine ne soit eux aussi décédés. Il y avait d'autres survivants il en était sur. Mais pour l'instant, il fallait parer au plus préssé.

- Il faudrait peut-être se mettre en route. La nuit va pas tarder à tomber. Il faudrait avoir rejoint l'hospital avant. Il faut que j'aille chercher quelqu'un là-bas.

Machinalement, il fit tourner son alliance autour de son doigt. L'espoir était la seule chose qui l'empechait de s'écrouler.

Cassie fit la moue contrariée par Wolf mais elle opina du chef en pointant du doigt la direction où devait se trouver le centre ville si elle ne se trompait pas désorientée par tout ce désordre. Elle n'habitait pas très loin dans un de ces grands immeubles de la partie résidentielle. C'était plutôt facile à trouver, dès qu'elle serait dans la zone piétonnière elle devrait savoir le chemin. Courir après les chats du quartier avait du bon, elle le connaissait dans les moindres recoins.

Lorsque Luka vint avec l'idée de l'hôpital c'était encore pire. Elle lui jeta un regard noir, tout colère bien qu'elle se rendit compte de son inquiétude. Une personne qu'il aimait devait s'y trouver, sûrement sa femme à l'alliance qu'il triturait. Elle avait aussi très bien compris qu'à cause de lui, elle ne pourrait y couper et ça elle ne pouvait lui pardonner. Elle ne voulait pas y retourner, vraiment pas ! Cet endroit c'était le mal !

Cassie fit volte-face en se dirigeant droit sur Wolf d'un pas décidé. Elle n'avait plus peur de lui sous l'emprise de ses émotions. Elle colla sa main tremblotante d'énervement dans la sienne et répliqua d'un ton sec à Luka comme si elle l'attendait depuis trois jours.

- On y va !

Elle contenait difficilement sa rage, cette haine qu'elle avait cumulée pendant deux ans à être triturée entre ces mains anonymes. Elle étouffait déjà rien qu'à s'imaginer y remettre les pieds et en avait perdue sa politesse. Elle devait se sortir de là, libérer ses émotions, sinon elle exploserait... fatalement.