Au-delà du miroir

"C'est comme ça que ça marche oui. Mais on en a déjà eu un. Et on finira par avoir les autres également. Ils paieront pour leurs horreurs. Pour ce qu'ils nous ont fait, pour ce qu'ils ont fait au monde et surtout au Mexique !

Mais si l'on veut réussir, il va falloir que l'on en apprenne un peu plus. Qui es tu ?
Je sais que tu connais Garuda. Tu as du infiltrer les Centuries au nom du labo, ou quelque chose comme ça ?
Pourquoi est ce que ce foutu labo s'intéressait à Garuda et aux autres ?

Que sais tu sur leur chef. On a appris où il se terrait, à proximité d'une station de métro, mais on ne sait pas à quoi s'attendre.

Sais tu ce qu'il s'est passé, pourquoi on a l'impression de se retrouver en pleine apocalypse ?"

Alvarez conduisit jusqu'au commissariat tout en parlant. Il y débarqua le prisonnier pour le présenter à ses compagnons d'infortunes auxquels il répéta ce qu'il venait d'apprendre.

- « Qui je suis ? Je suis monsieur Gregory, le bijoutier… Non, c’est pas ça. Je suis Greg, chef de cellule des Centuries… Nan, nan, non plus ! Je suis… Qui déjà ? – Ah oui ! Lieutenant Gregory Marquet, Service Action…
Et toi, tu es un agent mexicain je suppose ? ça m’étonne pas. Avec tous vos ressortissants en centres de rétention… »

L’extrême agilité d’Alvarez devait plaider en faveur de cette idée.
Gregory hésita longuement à en dire plus. Mais personne n’était venu à leur rescousse. Il n’y avait sans doute même plus d’autorité, ni pour le récompenser, ni pour le traduire en justice. Et sur le terrain, faute de directives, on s’arrangeait entre agents.
Et puis si jamais quelqu’un qui en savait trop se révélait être un ennemi… il y avait toujours une solution.

Au fur et à mesure que l’injection d’Alvarez irriguait le cerveau de l’espion, il retrouva peu à peu son calme.

- « Effectivement, j’ai infiltré les Centuries. Et plus que ça. J’ai monté la cellule locale, j’ai joué les intermédiaires avec un chef qui n’existait pas – un chef qui n’était autre que moi !
C’est comme ça que j’ai connu Davy… David Garuda. J’ai recruté des membres, et j’ai appliqué le plan de déstabilisation civile. Comme prévu.
D’abord le Palais de Justice. Pour donner confiance et espoir aux membres des Centuries.
Et surtout pour accroître le sentiment d’insécurité… Les politiciens adorent l’insécurité. Cela légitime toutes les politiques, toutes les décisions radicales… Ces situations extrêmes emportent même l’adhésion des plus hésitants.
Alors si en plus des personnalités sont assassinées… cela ouvre la voie à toutes les répressions... Il faut bien que le pays se protége des terroristes…

On a donné à Garuda et aux autres des cibles à surveiller. Des cibles qu’une autre équipe se chargeait d’éliminer…
L’idée était de monter un faisceau de preuves contre les membres des Centuries, pour un futur procès. Il fallait se débarrasser de tous ces anarchistes, de tous les activistes subversifs.
Sauf que Garuda était peut-être plus malin que d’autres centuries, et il commençait à soupçonner que ses cibles étaient moins des ennemis pour ses idées que des alliés potentiels. Il m’avait fait part de ses doutes.

Moi-même je ne savais pas que je servais des buts électoraux, pas avant le vote des lois de surveillance accrue. Pas avant le fichier Elise… et les comités de défense de l’identité nationale. »

4 Octobre -14H

Ils étaient de nouveau au commissariat.


- « Pourtant, ne t’y trompe pas. Je sers toujours mon pays, quoi qu’il me demande. Je ne travaille pour aucun labo. Eux fournissaient juste les produits ; ils les ont inventés. Mais je crois que leur découverte leur a échappé…

Ce qui était un regrettable effet secondaire pour un produit anti-âge est devenu un outil redoutable.
Quand on a découvert que ce traitement génétique donnait des capacités hors normes, des perceptions extrasensorielles surtout. Mais ça, ça rend fou ! Et autant les personnes concernées que ceux qui sont autour !

Ce sont des gens du gratin – ‘peoples’, politiques, ou capitaines d’industrie - qui en avaient bénéficié en premier. Vu le prix, forcément.
Les choses n’ont pas tardé à venir aux oreilles de nos services. Et des autorités, j’imagine. Je ne sais pas qui décide de quoi, mais je sais que juste après, les labos Baumann-Eucalyptus ont été rachetés par Eclypse.

Et nos activités ont commencé. On m’a demandé de recruter, pour monter une vraie-fausse cellule des Centuries.

Alors j’ai vu arriver la deuxième équipe. Les exécuteurs des basses œuvres. Ils avaient tous les trois des pouvoirs étonnants. Le premier voyait à travers les murs. Le second ne ressentait pas la douleur. Et le troisième lisait les pensées !
Le labo avait sorti de ses tiroirs un second produit, dérivé de plantes psychotropes exotiques. Apparemment, cela stabilisait les effets du premier. Moins de troubles psychologiques, et des capacités psychiques renforcées.
Avec en prime une sorte d’état hypnotique, dans lequel le cobaye était totalement malléable aux ordres reçus, qu’il recevait comme ceux d’une puissance supérieure.
De quoi faire d’un détenu, ou d’un simple SDF, un tueur sans scrupules. Parce qu’habité, fanatisé, totalement convaincu du bien-fondé de ses actes.

Mais ils ont très vite eu besoin de plus en plus de cobayes. Je ne sais pas pourquoi ; ils n’avaient pas besoin d’autant d’hommes de main... Ils devaient rechercher quelque chose de précis…

Le trio a multiplié les enlèvements. Cela a fini par se remarquer. Alors ils ont dû s’occuper de ceux qui mettaient leur nez dans ces sales affaires… Journaliste, photographe, écrivain, policier, leurs proches ; bref, tous ceux qui risquaient de découvrir la vérité.
Et ceux qui recevaient ces deux injections devenaient contrôlables. Sensibles à la suggestion, ou pouvant être mis dans une situation qui les décrédibiliserait à jamais.

Voilà. En gros, c’était le plan…
Par contre je ne sais pas de quel chef tu parles. L’officier en charge du Service Action ? Le directeur des industries pharmaceutiques ? Des responsables politiques ?
Va savoir qui en sait le plus… et qui en sait trop.

Pour ma part, je n’en sais pas beaucoup plus. Et c’est déjà trop. - Mais maintenant, toi aussi tu es en danger… si on peut l’être plus encore.

En tout cas je n’ai pas la moindre idée de pourquoi tout a sauté.
Néanmoins, je sais par les services qu’il devait y avoir une visite surprise ce jour-là. Une visite du président. Tout le monde était sur les dents. Vous savez comme il est, quand il se déplace, il ne faut pas la moindre manifestation à des lieues à la ronde…
Il devait inaugurer un bâtiment en centre-ville. Au moins, je suis sûr que c’était pas un attentat des Centuries ! Mais je n’ai aucune explication rationnelle à fournir.
De toutes façons, le rationnel a été pas mal malmené ces derniers mois… »

Alvarez resta dubitatif face à ce flot de paroles.
Une seule chose était certaine : ils étaient dans une sacrée merde.

Leurs ennemis : des politiques verreux et sans scrupule qui ont commencé à zigouiller tous les anar' de la ville et qui grace à un sérum anti-âge modifié ont pu développer une armée de surhomme.

Qu'est ce qu'ils foutaient au milieu de tout cela, eux des types lambda ?

" Je suppose qu'il y a du y avoir une explosion ou quelque chose dans ce genre. Toute la ville a été touchée, beaucoup ont disparu et les autres ont les pouvoirs étranges dont tu parles, sans pour autant avec les effets négatifs.
Notre état semble stable et l'on a pas de but précis hormis rester en vie et comprendre ce qu'il s'est passé.

Ce trio de choc dont tu parlais, est ce les Gamma ?
Nous avons croisé deux types répondant à ce nom.

Le type dont je parle est le chef du labo pharmaceutique. A priori il serait planqué à proximité d'une bouche de métro. C'est ce que Gamma 2 nous a avoué.

On a trouvé pas mal de trucs chez Garuda dont la clé d'un entrepôt en banlieu. Tu sais ce qu'il contient ?"

Alvarez réfléchit un instant.

"Tu bosses pour ton pays, pour ces politiques qui veulent améliorer les choses. L'amélioration si chèrement désirée est passée par un eugénisme gerbant. La majorité de la population est morte. Le reste ne vaut guère mieux et les rares survivants sont traqués par les Gammas.

De quel côté es tu ?"

Alvarez et Juan étaient-ils encore des types lambda ? …Peut-être étaient-ils associés à une autre lettre ?
Greg préférait se méfier.


- « Ah oui ? D’autres gens ont des pouvoirs ? J’ignorais… Je sais juste que les premiers Gammas étaient de simples SDF à l’origine, sans famille, sans amis, seuls.
Et oui, Gamma c’est bien le nom de code donné aux exécuteurs, puisque tu as déjà l’air au courant…
Mais l’équipe devait s’agrandir. Il était question de recruter parmi certains détenus, des types hors normes, plus performants au combat, qu’on n’ait pas besoin de les former avant de les envoyer sur le terrain. Des gars capables quoi, mais encore plus dangereux… »

Juan intervint à cet instant :

- « On a trouvé un dossier dans le bureau du commissaire au sujet d’un type. Et j’en ai vu sept autres dans la pièce là-haut. C’est eux dont tu parles ? »

- « Affirmatif. C’est des repris de justice, avec ceux des Centuries qui ont reçu le traitement, et moi-même.
Ils avaient tous un casier judiciaire. Je suppose qu’ils ont été choisis en fonction de leurs aptitudes et de leur tendance agressive. »

Greg était également bien placé pour savoir ce que cachaient les Centuries.

- « L’entrepôt ? Moui… pourquoi ? Vous voulez faire sauter ce qui reste de la ville ? Ou c’est pour lever votre petite armée ? »

Il planta son regard dans celui d’Alvarez. Il avait bien reçu l’ultimatum.

- « Pour l’instant, je suis surtout du côté de la survie… Et je n’ai pas de raison de traquer qui que ce soit, puisque je ne sais même pas ce que mon pays attendrait de moi ! -
M’enfin je doute que massacrer toute la population fasse partie du plan… ça vous va ? »

Alvarez commençait à se noyer.
Il y avait énormement de choses à faire. D'endroit à visiter, de gens à trouver et d'autres à éviter.
Ils avaient été aux deux premières destinations trouvées chez Garuda. Il leur manquait toujours l'entrepôt.
Il devait également se rendre au musée ainsi qu'à l'endroit qu'avait mentionné Gamma, où se trouvait les types du labo pharmaceutique.

" Tu sais quelque chose à propos d'un crâne ?
C'est une pièce de collection ramenée du Mexique.
Il semblerait que le labo et tes patrons s'y soient fortement intéressés, tout comme à mon pays.
Hormis leur foutu plante, je ne vois pas ce qui pouvait les attirer là bas."

Alvarez réfléchit un instant et ajouta :

"Ton pouvoir, peux tu me le décrire ?
Pourquoi es tu si instable ?"

Alvarez ne savait pas comment ils allaient pouvoir gérer le flic s'il redevenait instable. Ils n'avaient plus de sérum...

- « Non, on ne m’a rien dit au sujet d’un crâne ; je ne sais pas tout. Mais… je sais comme tout le monde qu’il y en a un exposé au musée. Et … je sais qu’il y a des hommes à nous qui surveillent le musée. C’est assez inhabituel en soi ; ce n’est pas vraiment dans nos attributions de s’occuper de ça !
Donc je suppose qu’il y avait une raison d’état à garder cet objet. Mais pourquoi ? »

A ce propos, les connaissances d’Angelyne pouvaient s’avérer utiles. Ses exceptionnelles intuitions aussi.

- « D’après ce que j’ai lu, il existe plusieurs de ces crânes mayas. Et un grand mystère entoure leur fabrication. Certains prétendent qu’ils n’avaient pas la technologie pour le faire.

D’ailleurs, on a récemment confié les plus vieux exemplaires à des scientifiques, pour examen. Et ils ont effectivement remarqué que leur cristal avait une étrange propriété. Ils auraient une manière inhabituelle de conduire l’énergie.

D’autres, plus portés sur l’ésotérisme, pensent que chaque crâne se choisit un gardien. Et qu’ils communiquent avec lui, mentalement.
Les crânes seraient dépositaires d’un savoir secret. Mystique ou technologique, allez savoir… mais ils pourraient guider l’humanité, si on savait les comprendre.
Il y en a qui disent les entendre… mais ce sont toujours des médiums, des visionnaires. Bref des gens qui ont une sensibilité particulière, un don… »

- « C’est vrai que la plupart de ceux qui ont reçu le traitement ont développé des capacités psychiques supérieures.
Mais pas tous. On dirait qu’il y a une certaine dose d’aléatoire dans tout ça.

Pour ma part, je… je n’arrive pas à… comment dire ? Conserver la lumière ?
C’est autant un don qu’une malédiction ! Les lampes et les allumettes s’éteignent dès que je les touche ! Mais je peux me glisser dans les ombres, furtivement, invisible dans la nuit… Ce qui est toujours utile pour un espion, pas vrai ?

Et bien sûr, cela a beaucoup intéressé mes supérieurs… Je me souviens être passé par un labo, oui… Un labo secret en centre-ville. Dans le quartier… Tihuanaco…
Vous voyez ? Nos architectes devaient aimer le Mexique aussi !

Ils m’ont testé. Avec des bobines Tesla. Mais apparemment les résultats n’étaient pas à la hauteur de leurs espérances. Ils auraient voulu que j’absorbe les décharges, ces cons ! - Et que je recharge leurs accus en prime… Pourquoi pas, tant qu’on y est !
Hélas mes capacités se limitaient à la lumière… Ils m’ont renvoyé à ma mission, avec les Centuries.

Alors les centres de rétention pour étrangers se sont multipliés. Et je crois que pas mal de tes compatriotes étaient dans le lot… Vous n’auriez pas quelque chose de spécial par hasard ? »

Pour le reste, sa transformation, il n’avait même pas l’air d’être au courant ! Il savait par contre que d’ici deux heures, il recommencerait à perdre la boule.

- « L’instabilité, c’est le premier produit qui la provoque. C’est lui qui cause la modification génétique. Il est censé augmenter la longévité, mais la plupart du temps il donne des pouvoirs extra-sensoriels, et ça rend fou… C’est ça qui m’arrive.

Le deuxième produit, celui dérivé de plantes, il est censé calmer les sautes d’humeur, et permettre de mieux contrôler ses pouvoirs. Les Gammas ont reçu les deux injections.
Mais manque de bol il provoque aussi un état quasi hypnotique, où l’on peut voir et entendre des choses étranges… C’est dans cet état que les Gammas recevaient leurs ordres de mission.

Quant au troisième, il annule les effets des deux autres, pour une courte période. Il est essentiel. Puisque c’est le seul moyen de neutraliser un… "mutant" trop agressif. »


Il restait une fléchette dans le pistolet jaune. Une seule. Et cela pourrait bien être la seule arme contre un ennemi plus puissant…

Restaient la seconde injection, et la préparation de Juan, toutes deux à base de plantes exotiques, dites enthéogènes. Et il faudrait bien décider un jour quoi en faire…

"Bon... Il nous reste que deux alternatives. Soit tu bouffes la plante censée te stabiliser, soit on t'injecte le second produit.
J'ai pas spécialement envie que tu redeviennes "mutant".

L'autre fléchette calmante sera réservée pour le prochain gros dingue assoifé de sang qui nous sautera dessus.

La seconde injection, j'espère qu'elle calmera tes ardeurs !
Hormis avec l'injection, comment stabiliser un mutant trop agressif ?
Je suppose que ça t'es déjà arrivé, surtout chez les centuries, de décharger une lampe et de devenir fou. Comment retournes tu à ton état normal si personne n'est là pour te piquer ?"

Alvarez réfléchit.

- "Il est possible que l'on soit spéciaux oui.
D'ailleurs, connaitrais tu la signification de ces dessins.
Angelyne, montre lui."

Il conlut par :

- "J'irais bien faire un saut au musée...
Sauf si tu as une idée sur l'endroit où se trouverait ta soeur Juan."

- « Non, ça allait bien au début. Je ne pensais pas avoir besoin d’injection supplémentaire. Cela vient lentement, petit à petit, les problèmes.
Moi, j’étais dans un état "normal". Et d’autres aussi, pendant des jours. Mais j’ai entendu dire que des cobayes plus anciens ont dû être enfermés en hôpital.

En même temps, avec des gens qui disent lire l’avenir ou les pensées, qui entendent des voix, et qui voient des morts… faut pas s’étonner !

Par contre, j’ai pas entendu parler d’une autre méthode de stabilisation ; une seule suffit. En plus, ce traitement était réservé aux Gammas.
Et puis… je crois qu’ils cherchaient plus à amplifier ces capacités qu’à les neutraliser. Alors ça m’étonnerait qu’on puisse faire marche arrière… maintenant qu’on a ça dans le sang ! »

Il esquissa d’abord un sourire, un peu cynique. Mais aussitôt il se ravisa et prit un regard implorant pour faire sa requête à Alvarez :

- « M’enfin, j’ai l’impression que les choses empirent, que le changement s’accélère depuis l’explosion…
Alors si vous voulez bien me faire cette piqûre... »

Angelyne intervint à cet instant.

- « Nous avons vu des dessins à même notre peau, qui évoquent des chiffres mayas. Mais ils sont invisibles à l’œil nu. Je ne pourrai pas vous les montrer, pas sans lumière noire… »

- « Non, de toutes façons ça ne me dit rien, désolé. » répondit Greg


Angelyne passa son bras à celui d’Alvarez et l’entraîna à quelques mètres de là.

- « Dis moi… S’ils cherchaient à accroître les capacités de leurs hommes avec cette seringue… c’est bien raisonnable de lui en donner ?
Sans compter qu’on pourrait en avoir besoin nous-mêmes, non ? Il a l’air de dire que leurs cobayes perdent la boule petit à petit… »

...

Enfin, avait-on vraiment conscience du moment précis où l’on perdait la raison ?
N’était-ce pas justement en donnant des explications rationnelles à sa vision démente du monde, que l’on basculait dans la folie ?

A moins que le plus à craindre ne soit plutôt de perdre le contrôle de ses émotions ! Puis que s’abatte toute barrière, toute retenue. Pour qu’enfin il n’y ait plus ni morale, ni raison. Juste la simple passion animale… dévorante !

Voilà ce qu’Angelyne griffonnait frénétiquement sur son petit calepin. Elle l’avait sorti sans s’en rendre compte… Symptôme de pouvoir, ou symptôme de folie ?
Elle venait de voir l’avenir. - Mais l’avenir de qui ?

- « Donc si je vous suis bien, ça voudrait dire qu’on a le choix entre utiliser les produits pour nous, et se retrouver avec un sale mutant sur les bras…
Ou alors on l’aide, mais lui devient plus puissant et nous on risque de devenir dingues. C’est bien ça ? »

Il fit une moue dubitative.

- « Ben moi, je vois pas trop pourquoi on l’aiderait… Il nous a quand même attaqués, ce type !
Et on devrait peut-être régler cette histoire avant de bouger, non ? »

Parler aux morts, voir l'avenir... Les pouvoirs ennoncés rappelaient étrangement à Alvarez le bouquin qu'avait écrit Angelyne. Livre dans lequel Juan s'était retrouvé. Angelyne aurait été l'une des première cobaye ?
Elle semblait stable, tout comme Juan et Alvarez lui même.
Mais le type qu'ils avaient devant eux lui paraissait plus inquiétant.

"Ca va pas être possible. Cette injection, on va en avoir besoin. Par contre je vais te donner la plante dont tu parlais. Elle est à la base de l'injection.
Tant que l'on ne sera pas parti d'ici, tu vas concerver tes menottes l'ami. Désolé mais ton état n'augure rien de bon et je n'aimerai pas te revoir devenir fou."

Alvarez lui fourra la plante dans l'une de ses poches.

"Quant à nous, je vous propose de prendre ce dont on a besoin au commissariat et d'aller faire un tour au métro...
Mais avant j'aimerais jeter un oeil à l'infirmerie."

Alvarez embarqua menottes, lampe et arme de poing s'il y en a.
Armé de sa lampe de poche il retourna faire un tour à l'infirmerie.

Greg fit la gueule en entendant sa réponse. Leur produit artisanal était sûrement moins étudié que celui du labo. Mais tant pis, il saurait s’en contenter ; ce n’était pas le moment de faire la fine bouche.

Et puis, il y avait d’autres plantes au zoo. Juan annonça qu’il saurait toujours faire une autre préparation au besoin.

- « D’accord pour le métro. Mais faudra voir quelle station ? On t’attend là. On surveille le coin. »

Il gardait aussi un œil attentif sur leur prisonnier.

Alvarez était bon pour une nouvelle escalade. Plus un gros problème pour lui maintenant.
Là-haut, dans le faisceau de sa torche, il trouva ce dont Juan avait parlé.

- 3 casiers avec un équipement chacun : gilet, tazer, tonfa, maglite, et rossignol.

- 7 dossiers noirs, identiques à celui de Wolf Blixen.

Il s’agissait des membres "endoctrinés" des Centuries :
David Garuda - Abel Young - Cédric Lambert (dit ‘Cactus Destroy’) - Mathieu Casaert (dit ‘El Vengador’)

Et de criminels plus endurcis :
Jonah Puch – Vincent Yakoro – Wolf Blixen

Parmi les victimes de Yakoro se trouvaient non seulement son propre avocat – un magistrat connu pour ses opinions critiques quant au durcissement récent des lois - mais aussi un syndicaliste et un activiste d’opposition, tous peu amènes envers le pouvoir.
Cela confirmait les soupçons du journaliste Robert Denis, éliminé lui aussi par un Gamma.

Alvarez put constater que la date de leur "traitement" coïncidait avec celle de leur arrestation ou de leur première incarcération.
Seul le cas de Jonah Puch dénotait.

Le dossier était… très vieux. Et il n’indiquait aucun traitement reçu. Seulement : *sujet alpha*
Les crimes reprochés ? Rien de moins que crimes de guerre, crime contre l’humanité, intelligence avec l’ennemi, espionnage, et meurtres de masse !
La date d’incarcération… 1945
Age supposé à la date d’incarcération… Dans les 55 ans.
Origine : inconnue - puis sud-américaine selon des tests génétiques récents


Son dossier précisait qu’il ne devait jamais sortir de sa cellule, ni être mis en contact avec quiconque. Il était « contaminé ».
Jonah Puch était condamné à perpétuité, en total isolement.
On avait cependant annoté en bas de page, qu’en cas de problème avec un détenu, il suffirait de le transférer dans sa cellule. C’était garanti pour s’en débarrasser. Et l’administration conclurait au suicide, ou à une mort naturelle.

Alvarez enfila les tenues qu'il venait de trouver. Il esquissa quelques mouvements afin de vérifier que ses nouvelles capacités ne seraient pas entravées par l'attirail.

Les dossiers ne surprirent pas vraiment Alvarez. Les centuries n'étaient que des pions tuant au final, ceux qui auraient pu les aider. Le gouvernement avait plongé dans la boue jusqu'au cou. Qu'ils aient pu autant s'abaisser surpris Alvarez. Il les pensait corrompus, malhonêtes et égoïstes, mais à ce point...

Ce qui était étonnant c'est que Gamma 2 n'était pas au courant pour les Centuries. Il semblait vraiment les hair. D'ailleurs, Gamma 2 avait dit avoir une cible à la prison. Cela vaudrait peut être le coup d'y faire un saut...

Gamma 1 leur avait appris que la soeur de Juan avait du gagner les tunnels. Ils la retrouveraient peut être en se rendant au labo mais pour cela, il fallait retourner au zoo pour y descendre dans le métro.

Alvarez avait à présent une protection de base contre les lames et les balles, tout en restant à l’aise dans ses déplacements.

Ainsi que Greg l’avait expliqué, les gars des Centuries étaient juste censés surveiller les futures victimes. Comme s’ils préparaient une opération ; mais qu’ils ne mèneraient jamais vraiment au bout. Ca, c’était le rôle des Gammas.
Les deux équipes fonctionnaient indépendamment l’une de l’autre. Et le but était d’impliquer l’ensemble des Centuries dans ces assassinats, pour un grand procès médiatique qui démontrerait l’efficacité des forces de l’ordre dans la lutte contre le terrorisme.
Et accessoirement, qui mettrait en lumière la dangerosité de ces mouvements extrêmes. Ce qui justifierait la nouvelle politique, de répression et de surveillance accrue des citoyens.

Et si les Gammas haïssaient les Centuries, c’est qu’ils avaient été biberonnés à l’idéologie en vigueur parmi ceux qui avaient concocté cette manipulation diabolique !

Greg faisait partie du Service Action. Tout partait de là. En collaboration avec les laboratoires impliqués. Mais effectivement, peut-être cela remontait-il plus haut ? Difficile de l’affirmer… Il y avait cependant les éléments trouvés chez Jonathan Yale, le tombeur de ces dames…


D’autre part, Alvarez savait désormais qu’il existait plusieurs types de personnes concernées par ce mystérieux "traitement" : Les Epsilon, les Bêtas, les Gammas, et cet étrange sujet Alpha.
Apparemment, seuls les Gammas auraient reçu les deux produits. Et ils manifestaient des altérations plus puissantes.

A force de se retourner le crâne avec toutes ces interrogations, Alvarez finit par choper une migraine.

Lui était un Epsilonien avec Juan et tous ceux qui avaient subi une mutation sans raison apparente.
Les bétas étaient ceux qui avaient reçu qu'une seule injection.
Les Gammas, les tueurs anti-terroristes, en avaient reçu deux.
L'unique sujet Alpha, à sa connaissance, était le gros dingue dont il avait trouvé le dossier.

Alvarez refit un saut dans le bureau du commissaire en sortant de l'infirmerie. Il prit l'arme et le dossier de Wolf. Sait on jamais...
Alvarez refouilla ensuite les locaux à la recherche de talkie walkie. Tout semblait avoir grillé mais s'il en trouvait qui marchait à pile ou batterie, ils pourraient s'avérer forts utiles.

Il retourna ensuite voir les autres.

"Pour le métro, il doit pas y avoir cinquante station au niveau du zoo non ?"

Alvarez trouva un talkie qui marchait encore sur le corps d’un gardien… qui marchait beaucoup moins bien, lui.


Angelyne répondit à sa question :

- « Ben non, y’en a qu’une, ça sera pas dur à trouver. »

Elle connaissait bien la ville ; elle y vivait depuis de longues années.


- "Dites... Qu'est-ce qu'on fait de lui alors ? " demanda-t-elle en désignant Greg de la tête.

"Tout dépend de ce qu'il veut faire.
J'avouerai ne pas trop savoir.
Greg ?
Une idée ?
Que vas tu faire maintenant que les centuries n'existent plus ?"

Il tourna sept fois sa langue dans sa bouche avant de répondre.

- « Et bien… moi aussi j’aimerais bien savoir ce qui s’est passé. Pourquoi tout a sauté, et si on peut s’en sortir, quoi !
Faudra aussi que j’essaye votre produit, puisque c’est tout ce que vous me laissez.
J’espère que c’est efficace au moins ! »