Pret pour un safari ? [Postman et début Jules Cypher]

Jules et Anthony partirent donc vers l'infirmerie située un peu plus loin à gauche de l'entrée principale.
Arrivé devant le bâtiment, Jules poussa la porte battante et pénétra à l'intérieur. Il sauta par dessus le comptoir de l'accueil et trébucha sur le corps d'une femme en blouse blanche. Il regarda autour de lui et ne vit rien d'intéresant à prendre. Sur la droite du comptoir une autre porte donnait sur un couloir.
Jules franchit la porte et vit que le couloir disposait de deux portes sur le même côté du mur.

-"Je prends la première, tu vas voir celle du fond ?"

Puis il rentra dans la pièce qui s'avéra être une salle de soin avec un bureau, un lit de camp et diverses étagères sous verres.
Il entreprit alors de fouiller la pièce de fond en comble pour récupérer tout ce qui serait utile.

La seconde porte donnait sur une réserve. La pièce faisait à la fois office de local technique pour la femme de ménage que de stock pour les médicaments de première necesité. A vue de nez rien d'engageant et Anthony n'avait pas très envie de farfouiller dans cet étalage de produits plus ou moins connus.

Il cria à l'attention de Jules dans la pièce voisine :
- Tu as quelque chose ?

Aucune réponse.

Anthony s'apprêtait à appeler plus fort quand Jules entra dans la pièce avec une vivacité impressionnante, renferma la porte et la verrouilla à clef (il avait récupéré le trousseau dans la pièce voisine), le tout dans un minimum de bruit. Son index posé sur les lèvres, les sourcils froncés, il commençait à balayer la pièce du regard, visiblement en quête de quelque chose de précis. Il avait le teint pâle et transpirait.

Anthony garda le silence mais fît de grands gestes pour attirer l'attention et haussa finalement les épaules, articulant sans les prononcer les mots suivants :

"Que se passe-t-il ?"

Jules déplaça son doigt pour tapoter son oreille, levant les yeux comme pour montrer que la raison de tout ceci était juste là, derrière cette porte.

Un bruit sourd retentit. Quelque chose venait de tomber au sol. Les deux hommes fixèrent leurs regards l'un dans l'autre, attentifs. Dans les secondes qui suivraient, les simples expressions de visage suffiraient pour s'exprimer.

Une présence glissait le long du mur du couloir. Son déplacement ne fut trahi que par un léger feulement....

Les minutes passèrent. Elles semblaient durer une éternité. La respiration du fauve était calme et posée. Il attendait patiemment, grattant de temps à autre le bois de la porte, mais sans plus de précipitation. Il savait que son gibier attendait de l’autre côté, sagement.

Les deux hommes en profitèrent pour se reposer brièvement. Leur légère somnolence interrompue par un accès de nervosité à chaque nouveau bruit.

Soudain un petit cri retentit. Différent. Jules se précipita à la lucarne de leur prison, se tenant aux maigres barreaux. Une sorte de faon se tenait à l’extérieur, se régalant de la pelouse tapissant les espaces verts qui bordaient l’allée piétonne. Le fauve sentit lui aussi la présence de cette nouvelle proie et en grogna de plaisir. Pour lui aussi l’attente avait été longue.

Dans un soubresaut, le prédateur bondit au-dessus du guichet et se mit à courir en direction de son repas, qui n’entendait pas se laisser attraper sans donner du fil a retordre à son prédateur. La course-poursuite s’engagea à travers le parc.

Nos deux survivants décidèrent dans l’instant qu’il fallait saisir l’opportunité pour s’éclipser. Cette fois plus question de trainer en chemin. Les animaux n’étant pas affectés par la tragédie, leur présence dans ce zoo était vraisemblablement de trop. Armés de ce qui pu leur tomber sous la main – seringue, petit scalpel et clavier d’ordinateur – ils sortirent à grandes enjambées, Jules partant par réflexes en direction de l’hypothétique armurerie, tandis qu’Anthony marqua un temps d’arrêt, tout son être ne désirant que gagner le seul leu qui lui semblait vraiment sûr : sa voiture.

Après un rapide débat animé de gestes et de mimiques toutes plus persuasives les unes que les autres, Anthony céda, son jeune compagnon n’étant décidemment pas assez lucide pour prendre la bonne décision. Mais peu le serait dans ce genre de situation. Il espérait seulement ne pas avoir à le regretter.

Malheureusement les conséquences ne tardèrent pas. D’un formidable bond, un agresseur au pelage tacheté se rua sur Jules, qui n’eut même pas le temps de crier, ni la possibilité… bloqué par la douleur que peut provoquer des crocs plantés nets dans la carotide. Il suffoquait à présent, tandis que la panthère fixait Anthony en grommelant, le voyant comme un rival. Mais ce dernier ne pouvait rien faire d’autre que trembler, le regard rivé dans les yeux de son compagnon que la vie quittait peu à peu.

Jules tendit une main hésitante vers Anthony, avec toute l’intensité de l’espoir, avec incrédulité aussi. Tout s’était passé si vite. Il ne pouvait encore admettre sa situation. Qu’un gros chat l’étouffait lentement mais sûrement, que la vie s’écoulait de lui en longues traînées écarlates…
Déjà, une flaque sombre s’arrondissait tout autour de la proie affaiblie.

Pourtant, non loin, une grille de métal arrachée portait une affiche explicite : "Jaguar du Guatemala – Ne pas nourrir les fauves."
Voilà ce qui arrivait, quand on ne respectait pas les consignes !

La main du jeune homme retomba mollement, alors qu’il blanchissait à vue d’œil. Il n’y avait apparemment plus d’aide à attendre. Anthony semblait paralysé par la peur.
Mais que faire, avec une seringue et un clavier d’ordinateur ?

Alors Jules eut comme un dernier soubresaut. Il parut vouloir prendre appui au sol, lutter contre la force implacable de l’animal… en vain. Il était fermement maintenu au sol.

Anthony assistait impuissant à la mise à mort du pauvre garçon. Quand son esprit gelé par l’horreur enregistra un détail plus troublant encore…
Des herbes hautes s’étaient enroulées aux chevilles de Jules et, tout autour, le paisible gazon se mit à frémir, comme agité de millions d’insectes invisibles.
Etait-ce l’imagination d’Anthony, ou il avait drôlement poussé depuis tout à l’heure ?

Ces jambes ne le portaient plus, son regard se brouilla. Il tenta de résister mais en vain. Un dernier vertige et puis plus rien.

A son réveil. Plus de gros matou affamé, plus de victime non plus. Juste une flaque de sang séchée, étalé sur l’un des côté, indiquant la direction prise par le prédateur pour dévorer son butin à l’abri des regards et des envieux.

Anthony jeta un dernier regard en direction de l’herbe. Pas de mouvements suspects.

Il resta longtemps assis, sans penser à rien, si ce n’est que encore une fois la mort d’avait pas voulu de lui. Cette impression qu’il avait une dernière mission à accomplir ne s’en trouvait que confortée.

Il finit par rejoindre presque tranquillement son véhicule. Contempla la colonne de fumée qui s’élevait du centre ville. Ceux qui ont survécu là dedans étaient-ils comme lui : des « élus » ? Le sacrifice de Jules faisait-il partie d’un « plan » qu’il ne pouvait saisir ?

Après une dernière pensée pour les autres rescapés qu’il avait laissé à l’Underground Café, il fit un inventaire rapide de ce dont il disposait, puis monta en voiture. Si les siens étaient toujours en vie, ils avaient besoins de lui. Et puisque les secours n’arrivait toujours pas a Epsylon, alors c’est lui qui irait en chercher. Voilà sa mission.

Le « Postman » s’éloigna doucement de la cité.

-END-