Retrouvailles

4 Octobre – 15H45




Devant le bâtiment, un gros véhicule noir fit halte en crissant des freins. Un homme déterminé en descendit, fusil au poing.

Dans ce commissariat, il y avait un dossier noir qui l’intéressait…

Alvarez entendit les pneus crisser. Il regarda ses compagnons avant de foncer se planquer dans un coin intimant aux autres de faire de même.
Il avait son arme de poing et le gilet par balle. Les tonfas ne devaient pas être bien loin mais il aurait donné cher pour tenir le fusil à fléchettes.

Une fois planqué, il attendit.

Il fit une halte à l’entrée, devant la table gravée à la main : « Vous n’êtes pas seuls »


Hum. Il s’en serait douté… Quelqu’un était venu ici. Pas étonnant. C’était là qu’étaient les armes.
Il avait bien fait de s’en emparer avant les autres.
Même s’il n’y avait pas pénurie dans la ville apparemment, mieux valait se retrouver équipé, quand on était pris au beau milieu d’une guerre !

Où étaient les escaliers déjà ? Il se souvenait avoir vu un gros dossier sur le bureau du commissaire… Un dossier comme celui qu’il consultait lors de son interrogatoire.
Si cela le concernait, il devait en avoir le coeur net. Il saurait ce que ces pourris lui avaient fait !

Et puis il y avait peut-être le casier du gars qui lui en voulait… Ce qu’il avait entendu sur lui n’était guère rassurant.

Wolf passa devant les salles d’interrogatoire. Pour la troisième fois en quelques jours… Il entra dans l’une d’elles sans trop savoir pourquoi.
Cela rappelait des souvenirs confus. Des flashs d’images qu’il n’arrivait plus à dater…

Debout face au vitrage, il observait son propre visage, mutilé ; sous la barbe insistante il avait du mal à se reconnaître.
Il n’avait pourtant changé que d’un poil. C’était la lassitude, sûrement… L’âge. Il cherchait au fond un peu de l’homme qu’il avait connu.

Il ne savait pas trop ce qu’il faisait ici. Pourquoi son instinct l’avait guidé jusque là… Sans doute parce que tout avait commencé ici.

Wolf ignorait qu’à l’instant même où il s’y mirait, il y avait derrière cette vitre sans tain le laboratoire où on l’avait transformé.
Mais dans un accès soudain de rage, contre son arrestation, contre l’état de la ville, et contre la merde où il se trouvait, il saisit la table à deux mains et l’envoya balader à travers la vitre, comme il en avait toujours rêvé !
Dommage qu’il n’y ait plus de flics pour se la prendre en travers de la gueule.

Alors Wolf découvrit leur petit secret… ce qu’il y avait au-delà du miroir.


Après inspection, il ressortit pour gagner le bureau du commissaire.
Mais en chemin, bizarrement, il leva le nez en l’air. Une odeur avait capté son attention… Plusieurs odeurs.

Non vraiment, le graveur en herbe avait raison… on n’était pas seul ici !



Alvarez vit un borgne hirsute portant treillis et kevlar noir s’approcher dans leur direction. Il était bardé d’armes et couvert de sang séché, des pieds à la tête.

Putain, c'était le barje dont il avait lu le dossier. Le fou dangereux à qui il fallait inoculer leur dernière fléchette en cas de problème. Un type avec le quel on ne rigole pas vraiment. Un tueur.
Mais un tueur qui devait en vouloir aux mêmes types que lui. Un tueur qui pourrait se révéler être un précieux allié contre l'armée des Gammas.

Soit ils restaient planqués en attendant que Wolf les trouve, soit il lui fallait prendre les devants. Ce qu'il fit sans trop réfléchir tout en restant à couvert.

"Hey. L'ami.
Si ce que j'ai lu sur toi est vrai, on est dans le même camp.
Celui des connards qui se sont fait injecter un fout virus par des enfoirés de savants fous.
Celui de ceux qui aimeraient dézinguer ces salopards du gouvernement et les médecins qui nous ont fait ça."

Wolf jaugea l’inconnu en l’observant des pieds à la tête. Il sourit légèrement en voyant son attirail. Il avait pris la mauvaise habitude d’évaluer les gens en fonction de leur armement, et du danger qu’ils représentaient.

Un H&K P11, un taser, et un autre pistolet jaune à fléchettes… Celui-là devait être un maniaque des fléchettes !
Mais il avait aussi deux tonfas et un flingue chargé au .357 Magnum… On n’était jamais trop prudent…

Wolf rabaissa malgré tout son arme. Entre amateurs de calibres en rogne contre l’establishment, ils devraient pouvoir trouver un terrain d’entente !


- « Ah. Toi aussi t’as servi de cobaye… Et c’est quoi ton truc, toi ? Tu cours dans une roue plus vite que ton ombre ?

J’ai déjà croisé un punk élastique, une fille qui clignote, une folle du volant transparente, et un couple à moto qui disparaît avec une meute de chiens… alors je m’attends à tout, maintenant. »

Juan et Angelyne étaient restés cachés, chacun cramponné à son arme respective, prêts à intervenir. Au cas où…

" Moi j'ai bouffé Jackie Chan et Jet Li.
J'ai juste croisé deux tueurs, un qui se téléporte et qui a fini éventré et un qui semblait réussir à détruire toute matière non organique et qui s'amusait à faire des trous dans les portes.

Et toi, à part déborder de cynisme tu fais quoi de tes dix doigts."

- « Cynique, hein ? »

C’est aussi ce qu’on disait de Diogène… Parce qu’il aimait pas que les puissants lui fassent de l’ombre… et parce qu’il vivait comme un chien.


- « Ouais, je dois être cynique… Comme vie de chien, on fait pas mieux ! J’ai même pissé contre un réverbère ce matin.

Mais j’espère qu’à force de bouffer chinois, je vais pas te faire envie façon chop suey… »


Il jetait des regards furtifs alentour. Il y avait un parfum de femme dans le coin. Mais où était-elle ?

Wolf bondit de l’escalier jusqu’à la pièce où Angelyne avait trouvé abri. Rapide comme une rafale de vent !
Il n’avait même pas eu besoin de souffler sur la porte pour débusquer la petite cochonne !


- « Salut mignonne… faut pas rester toute seule. T’as pas lu le message ? »

Effrayée, Angelyne le mit spontanément en joue.




- « Je… Je vous connais, vous… M’approchez pas ou je tire ! »

Et elle avait l’air de le penser.

Ok. Elle était flippée.
De nouveau quelques pas rapides. Et zou ! Il était revenu auprès d’Alvarez.

- « ça répond à ta question ? J’ai découvert ça cette nuit… après qu’une sale gamine soit venue perturber ma nuit. »

" Héhé. La petite du musée, qui te demandait de choisir un chemin.
Elle m'a également "visité".
Ca a changé quelques trucs en moi.
Il semblerait qu'elle ait réussir le Flash Gordon qui sommeillait en toi.

Tu sais juste de déplacer plus vite où ça marche également avec les bras ?"

- « Ouaip. »

Il dégaina, fit virevolter ses deux berettas et les rengaina à une vitesse telle qu’Alvarez avait eu du mal à suivre.

- « Tu penses… c’est le premier truc que j’ai testé.

Alors comme ça tu connais Cassie ? Quelle fouine !
Elle est toujours au musée, c’est bien... Je leur souhaite bien du courage avec elle ! »

" Tu as pu la rencontrer en personne ou alors elle se montre seulement la nuit ?

Qu'est ce que tu fous ici ?
Le commissariat est quasiment vide.
Une razzia a déjà été faite par ceux qui nous ont précédés.
On se tirait à vrai dire."

- « Oh ça oui, je l’ai vue ! Elle était dans l’ambulance devant l’entrée. Et on a été séparés au musée. Ils l’ont capturée… juste après avoir buté une pauvre gamine ! »

Wolf résuma sa petite équipée, en compagnie de Luka, puis celle avec les filles.

- « Pour la razzia, je plaide coupable votre honneur… d’ailleurs t’aurais pas vu ce flic ? J’ai plus de nouvelles depuis qu’il est entré en centre-ville… Et vu que c’est mon chemin aussi… »

Il devait y aller, qu’il le veuille ou non.

- « La ville est devenue dangereuse. Il y a des hommes armés un peu partout qui essayent d’en prendre le contrôle.
Je sais pas où vous allez, mais… faites gaffe à vos miches. »

Elena avait suivi "la bête" jusqu’à une baraque désaffectée. C’est de là qu’elle avait vu ressortir Blixen quelques heures plus tard, après un repos bien mérité.

Elle aussi avait somnolé, tandis que dans le lointain les coups de feu s’atténuaient.



Au petit matin, elle avait repris la traque. Le borgne avait rejoint le 4x4 dont on l’avait extirpé la veille.
Là-bas, le gang de la Mano avait dû se replier sur d’autres positions plus sécurisées. Les corps de la bataille de la nuit jonchaient encore les rues.
Difficile de dire si quelqu’un l’avait emporté. Les véhicules de l’Eglise de la Synergie achevaient de brûler, au pied de la cité silencieuse.

Elena récupéra un vélo pour se lancer à la poursuite de ce type étrange. La course l’a mena jusqu’aux frontières de l’Agora, où l’Eglise avait pris ses quartiers.

Elle vit Blixen faire halte non loin du métro, là où Luka s’était engouffré plus tôt.
Mais aux jumelles il aperçut un autre pick-up de la Synergie. L’accès était gardé par un groupe armé.

Plutôt que foncer dans le tas comme elle l’avait vu faire sous sa forme bestiale, Blixen contourna l’obstacle, et délaissa cette entrée pour se diriger vers le nord. Il y avait d’autres accès.


Mais en chemin ils passèrent devant le commissariat. Blixen pila en découvrant la jeep militaire garée.

L’homme portait un treillis et une armure dernier cri. Peut-être pensait-il y trouver des collègues ?
Cela l’intéressait. Elena elle-même avait servi dans l’armée.

Il s’engouffra dans le bâtiment arme au poing, et Elena se cacha dans un hall d’immeuble, pour mieux observer qui en ressortirait.

Bon. Alvarez était un peu perdu avec tout ce merdier. Ils avançaient à tâton en poursuivant des chimères. Même si peu à peu le mystère s'éclaircissait, il se demandait si ce n'était pas plutôt grâce à sa chance et aux aléas du destin plutôt qu'à leur propre perspicacité.

Ils avaient tant d'endroit à visiter pour mieux comprendre de quoi il en retournait:
- Le laboratoire, en passant par le métro à côté du zoo.
- Le musée pour retrouver la gamine.
- L'église dont il avait entendu parler via les affaires trouvées chez le journaliste.
- Le quartier au nom mexicain qui l'intriguait.

Une autre chose lui passa par la tête.

"Dis, tu n'aurais pas rencontré une jeune mexicaine ? Elena. On est venu ici pour la choper."

- « Une mexicaine ? »

Il n’avait aucun souvenir de son équipée sauvage de la nuit.

- « Non. Que des 'mexicains' en rogne qui m’ont charcuté… Ceux qui se battent avec des types en costard pour le contrôle d’Hope Town … »


Il dévisagea Alvarez d’un œil noir.

- « Alors comme ça t’es de la Mano toi aussi ? »

Malgré son air détaché, il avait un peu durci le ton sur ces dernières paroles.
Il tenait toujours son fusil prêt à être utilisé.


- « Je venais juste consulter un certain dossier ici. Ensuite je vous laisserai, j’ai des courses à faire en centre ville… Ça vous pose un problème ? »