Lumière noire, suite, réveil

Alvarez se réveilla bizarrement. Le rêve paraissait si réel qu'il lui laissait une sensation étrange d'inachèvement et de déception. Il aurait aimé continuer sa course vers l'infini en compagnie du jaguar.
Mais la terrible réalité le rappela à lui et il émergea dans le salon, en compagnie de Juan et Angelyne.

Une fois que tout ce beau fut réveillé, il s'empressa de leur révéler ses tribulations nocturnes. Cette histoire de gamine, de dessin, de jaguar et de protecteur. Il insista sur le musée et leur demanda s'ils savaient comment s'y rendre. Le crâne avait éveillé son intérêt et Alvarez aurait bien aimé pouvoir le contempler.

Mais avant cela ils allaient devoir retrouver la soeur de Juan.
Après une petit déjeuner qu'il espérait le plus copieux possible, ils mettraient les voiles vers le commissariat.

Juan hocha la tête.

- « C’est important les rêves ; ils nous parlent. Et… pour dire la vérité, moi aussi j’ai rêvé d’animaux. Je les chassais… J’étais dans les rues, dans une végétation touffue, et puis perché sur un rocher. Dans un grand désert enfin. Sous un soleil implacable. Grand et majestueux.
C’était bizarre Tellement vrai. Et en même temps j’étais pas moi… J’ai fait ce genre de rêves que trois ou quatre fois dans ma vie… Et ça fait deux fois en deux jours !
La première fois… c’était juste avant la découverte du crâne d’Ek-Balam. »

Il pensa aussitôt à la seconde, mais il préféra garder ça pour lui. Une ombre était passée sur son visage. Cette hypothèse le terrifiait.

- « Oui, je connais bien le musée ; c’est à quelques kilomètres, au sud de la ville. J’y suis allé souvent.
Ils ont une collection permanente, des expos temporaires. Et comme vous le savez sûrement, c’est le Mexique précolombien qui est à l’honneur en ce moment. »

Le monde des rêves… Une expérience fascinante, et instructive selon bien des mystiques. Depuis les pharaons, jusqu’aux spirites du siècle dernier. En passant par les bardes et autres skalds qui passaient leurs nuits sur les tertres, à attendre le message, la sagesse des morts.

Elle-même s’inspirait parfois de visions oniriques pour alimenter ses écrits…
Et si quelqu’un, quelque chose, l’avait utilisée ? Pour prévenir ? Envoyer un message. Que personne n’aurait compris.

…Personne ? - Alors pourquoi ces interventions contre elle ? Pourquoi lui en vouloir, si elle ne savait rien ?

- « Vous saviez que certains pharaons racontaient avoir reçu l’aval divin de leur pouvoir dans un rêve ? »

Et elle leur fit part de ses interrogations.

- « J’ignorais ça. Mais dans le monde chamanique, le rêve est aussi un appel, à la vocation. Et la confirmation se fait par la transe. C’est là que l’on rencontre son esprit, son way.
Ce qu’Alvarez nous raconte est assez similaire. Y’a que cette fille qui dénote dans le tableau… »

Pourtant, ce visage ne lui était pas inconnu. Alvarez l’avait déjà vu, récemment. Il ne pouvait pas ne pas la reconnaître.

La petite était avant à l'hôpital. Dans le carnet de Gamma 2 figurait la ligne : "King, Cassie : Internement - Hôpital Miséricorde.".

"Le rêve a été un réel appel à la vocation. Il m'a rappelé le lien existant entre le jaguar et moi. Il doit être mon totem ou mon guide, même si je n'en comprends pas les raisons. La petite, elle, était là pour m'aiguiller, pour me montrer quel chemin prendre. C'est étrange."

Alvarez était assez dubitatif face à cette gamine. Le fait qu'il ait vu sa photo lui assurait que la petite n'était pas le fruit de son imagination mais le fait qu'elle l'ait visité en rêve l'intriguait.
Mais pour le moment, ils allaient devoir partir à la chasse de la soeur de Juan. Chaque chose en son temps. Ils iraient ensuite à l'hopital.

Juan était impatient. Et tout excité de ces perspectives. Il remballa leurs petites affaires à toute allure.

- « Ok, allons-y. Eléna doit être aussi inquiète que moi… Enfin, peut-être moins, c’est une dure à cuire dans son genre ! » - Il en rit avec tendresse – « Mais elle a bon cœur, au fond. »

Un lien étroit les unissait, de toute évidence. Ils tenaient l’un à l’autre, comme deux jumeaux.


4 Octobre – 9H [Vers le commissariat]