Reggaeton ou Phlégéton ?

2 Octobre - 16 heures


Deux yeux ensommeillés émergèrent de sous un bonnet aux couleurs de l'Ethiopie. Seule tâche de couleur dans un océan de grisaille.
Tout autour, le silence et la mort.
Le jeune Orclé remua d’entre les briques et les planches qui le recouvraient. Un nuage de poussière s’élevait avec lui.
Des barres d’aluminium tordues, vestige d’échafaudage, avaient offert un abri providentiel en retenant de plus gros débris. Pourtant, une grosse dame collée à lui n’avait pas eu la même chance.
Et plus loin, au carrefour, un amas de voitures empilées. Un poids lourd était même encastré à mi-hauteur de l’immeuble d’en face !
Il avait mal, il avait soif, et un goût de sang dans la bouche… Le sale trip !

"Spleuh". C'est à peu près le bruit que fit Orclé en crachant un mélange de salive et de sang sur le sol recouvert de débris. Il jeta un coup d'œil à la ronde, stupéfait par ce qu'il voyait.

-Ha... Ha... Ha.

C'est alors qu'il se rendit compte du cadavre collé à lui. Après un petit cri du sursaut, il le repoussa avec dédain.
Il jeta à nouveau un coup d'œil à la ronde, ses yeux auraient été écarquillé comme jamais s'il n'avait pas "dormi" aussi longtemps.

-DE-LI-RE!

Il marqua une courte pause avant de reprendre dans sa réflexion:

-Oui, c'est bien du délire.

Commençant à marcher entre cadavres et débris, il repensa à ce qu'il s'était passé avant son long sommeil.

-Un tremblement de terre? Un ouragan? Les deux peut-être. À moins que...

Le grand flash de lumière lui revint à l'esprit, ainsi que le bruit sourd qui avait précédé son évanouissement.

-Mais alors, qu'est-ce que c'était... Tout Epsilon est-il dans cet état?

Sachant que ce monologue ne le mènerait guère loin, il vida son sac dos pour voir ce qu'il lui restait. Tout semblait en bon état, mis à part la lampe torche et le portable qui étaient définitivement cassés. Il extirpa le pochon d'herbe ainsi que son paquet de feuilles à rouler.

-Merde, le tabac est à l'hôtel. Peu de chance de le retrouver.

Il regarda quelques cadavres susceptibles d'avoir un paquet de cigarettes dans leurs poches. Il entama sa première fouille dans le sac de ce qui avait du être une jolie blonde avant qu'elle ne se fasse écrasé le bassin par un bloc de béton.

Il y avait là tout le parfait attirail de la blonde. Du mascara, du vernis à ongles, du blush et autres colorants, divers cosmétiques à faire pâlir un clown d’envie. Tous garantis sans baleine dedans, ni tests sur anus de singes !
Il en sortit aussi un chéquier, un jeu de clés, deux portables, des tampons, des kleenex, des collants de rechange… un vrai sac sans fond.
Mais pas de tabac.
C'était sûr ; elle devait faire partie d’un autre monde. Le monde ‘clean’… celui des non-fumeurs !

-Même morte elle ne sert à rien.

Une réflexion d'une telle bassesse qu'il eut intérieurement honte d'avoir prononcé ces mots.
Il laissa retomber le sac sur le sol, contemplant les autres cadavres.

-Et si je faisais... Un pur?

Un sourire plein de malice se dessina sur son visage. Il sortit quelques centimètres cubes d'herbe qu'il posa sur la feuille avant d'enrouler le tout.

-Après tout, le tabac contient bien plus de pourritures que ma ganja tout à fait naturelle.

L'odeur se propagea rapidement aux alentours. Si quelqu'un passait pas loin, il reconnaitrait rapidement l'odeur pour peu qu'il y ai déjà goûté. Peut-être un bon moyen pour trouver de potentiels survivants.

Orclé continua de déambuler dans les rues, se demandant s'il finirait par trouver quelqu'un dont le coeur battait encore. Il prenait le poux à certaines personnes étendues ça et là entre les décombres, les résultats furent plus que démotivant. S'il y avait des survivants, ils étaient sûrement déjà sur pied.

Son ventre se mit à gargouiller avec vigueur, la faim se faisait ressentir. Il ne savait pas combien de temps il avait dormi, mais il semblait évident qu'il avait sauté plusieurs repas. Il chercha de l'œil un endroit où il pourrait trouver de la nourriture, peu importe que ce soit un magasin où un restaurant, il voulait manger.

[HRP: Au fait, par rapport à mon bonnet, ce ne sont pas les couleurs de la jamaïque. Le drapeau de la jamaïque est vert, noir et jaune ]

[Oui. Autant pour moi. Rectifié pour l'Ethiopie, plus exact idéologiquement (mais moins évocateur pour la plupart des gens).]

Pas facile de rouler en marchant. Mais Orclé avait la dextérité du fumeur tout-terrain. Et tant pis pour la beu qui pouvait tomber en route.
Il n’en avait plus manqué depuis longtemps. Sauf que sans tabac, il faudrait plus vite se préoccuper de l’approvisionnement.
Au fond, c’était pas faux que rester bio, ça coûtait plus cher !

Il laissait derrière lui un nuage épais. La fumée était âcre, et le faisait toussoter malgré l’habitude. Faut dire qu’il avait tapé dans la skunk haut de gamme. Pourquoi se priver ? Le truc chiant, c’est que pur, ça s’éteignait tout le temps.

Orclé passait d’un corps à l’autre. Malgré ses efforts louables, pas une victime qui ne soit déjà froide. Les gens qu’il croisait étaient tous bien raides… Eux aussi.

Puis, sans savoir encore si c’était une hallu, ou Jah qui exauçait sa prière, il aperçut au détour d’une rue l’objet de sa quête, son saint graal… un kebab !
Le magasin semblait l’attendre depuis toujours, comme un refuge pour tous les affamés, fondé pour ce jour de fin du monde… Manque de pot, cette viande là aussi devait être froide.

Orclé aperçut le kébab, et, ne prenant plus garde aux débris sur le sol, manqua de trébucher. Il s'approcha du magasin en serrant les dents. La porte vitrée était "ouverte", ou plutôt: détruite. Il pénétra à l'intérieur et aperçut ce qui avait du être un des serveurs, affalé sur une table où étaient harmonieusement entreposés une assiette pleine et la tête d'un client. Le sang s'était mélangé au ketchup et l'œil inattentif de quelqu'un crevant la dalle ne l'aurait pas remarqué avant d'en avoir mangé.
C'est exactement ce qui arriva à Orclé. il recracha les frittes avec une vigueur rarement égalée, manquant de s'étouffer de peu.

Il chercha quelque chose de plus comestible, et aperçut quelques flûtes de pains qui trainaient près de l'arrière cuisine. Sec et sacrément dégueulasse, cela ne le ralentit pas dans son repas plutôt mal équilibré.
Rassasié, il ouvrit un distributeur de boissons qui gisait au sol. L'ice tea n'était pas frais, mais cela étancherait sa soif mieux que le sang qui faisait office de sauces à frittes. Il fourra une demi-flûte ainsi qu'une petite bouteille d'eau de source dans son sac, "repas d'extrême urgence" qu'il disait. En fait il en aurait pris beaucoup plus si son sac à dos n'était pas déjà plein à craquer.

Il ralluma son bédo qui s'était éteint sans peine pendant qu'il se goinffrait. Il n'en restait plus que la moitié à fumer avant qu'il n'atteigne le carton qui faisait office de filtre, néanmoins un pur de beuh ne se consommait avec banalité: il fallait le savourer sur la durée, pouvant parfois aller jusqu'à l'heure et demi.

Lorsqu'il ressortit du petit bâtiment, il se redemanda si lui seul avait survécu à cette catastrophe. Un lieu habituellement plein de vie donnait une forte impression de malaise lorsque le silence s'en emparait.

Orclé râcla sa gorge et cria le plus fort possible:

-Quiiiiii est encore vivant dans cette foutue viiiiiiille?!?

En réponse à son appel, une chute de débris venant d'un des hauts batiments s'échoua devant l'entrée du Kebab.
Dans la vitrine, il aperçut son reflet. Son long manteau était tâché et déchiré à de nombreux endroits. D'ailleurs, ses yeux aussi étaient déchirés, leur couleur semblait tout indiquer.
Ce fut la prise de conscience, il rangea son joint qui s'était une nouvelle fois éteint, préférant le conserver pour plus tard.

L’écho de son cri disparut d’entre les façades meurtries.
Il était seul. Désespérément seul.

Orclé déambula, s’éloignant toujours des collines, jusqu’à déboucher sur un grand boulevard qui descendait vers le centre. Il était encombré de véhicules immobiles. Un long flux de métal noirci. Et un panneau bosselé se penchait sur cette rivière figée, comme un saule famélique.
Il indiquait : "Campus à 800m".
Plus loin portait son regard, plus les voitures parurent fondues, carbonisées. Les immeubles étaient aussi plus durement touchés. De part et d’autre, certains brûlaient encore.

C’est là qu’il aperçut, au terme de cette avenue, l’immense nuage noir jeté sur le centre-ville. Une colonne de poussière sombre s’élevant jusqu’au ciel !

Orclé n'en croyait plus ses yeux, il posa sa main gauche sur son chapeau qu'il enleva s'en vraiment s'en rendre compte, dévoilant ses cheuveux mi-longs d'un noir intense.

-Par les locks du messie! Qu'est-ce que...

Il se frotta les yeux avec énergie afin de vérifier si la skunk ne lui faisait pas voir des choses absurdes enfouies dans son cerveau.
Et bien non, c'était bien réel, cet immense nuage noirâtre et cette dévastation. De quoi vous retourner les tripes!

-C'est comme si... Comme si Dieu avait tiré une douille!

Il rit jaune. Perplexe, il se demanda si continuer dans cette direction était une bonne idée. Il ne trouverait personne de vivant par là-bas, il en était convaincu.
Les questions fusaient dans son esprits, cherchant à expliquer cet évènement plutôt lugubre.

-Des extra-terrestres? Le crash d'une météorite? À moins que ce ne soit l'oeuvre d'une centrale nucléaire souterraine secrète?

Tant de questions auxquelles il n'avait même pas un soupson de réponse, juste un début de piste qu'il venait de déduire: le gros de la catastrophe s'était déroulé au centre d'Epsilon. En était-il de même dans le reste du monde? À son avis oui, sinon des hélicoptères seraient en train de survoler les lieux à la recherche de survivants, même s'il n'était pas convaincu de cette hypothèse.

-Si j'étais un survivant... C'est d'ailleurs ce que je suis... Reprenons: Si j'étais un survivant normal et sensé, où irais-je me réfugier pour trouver d'autres personnes?

Se gratant le menton dans sa réflexion, il remit son chapeau et poussa un petit juron.

-J'en sais vraiment rien, je connais même pas cette foutue ville! Alors merde, que les Dieux Incas protègent mon chemin, je vais aller faire un tour à ce campus vu que c'est pas bien loin.

Il commença à prendre la direction indiquée par le panneau, les sens en éveil et à l'affût d'un quelconque danger.

Orclé descendit donc le boulevard, passant les voitures fumantes, et leurs passagers couleur de cendres. Le vent emportait un peu d’eux avec lui, à chaque rafale.
Les habitants trop proches du centre seraient lentement désagrégés par la brise, et retomberaient en pluie sur le reste de la cité…

N’y avait-il pas un épisode biblique qui parlait de cités détruites et de nuages de feu ? De gens transformés en statue de sel aussi.
Orclé était nouveau en ville et ne connaissait pas spécialement ses mœurs, mais… une nouvelle hypothèse pourrait s’ajouter aux premières :
Et si Dieu s’était encore foutu en rogne, parce que quelqu’un s’était mis en tête de chopper ses anges? Il prenait généralement très mal qu’on les serre d’un peu trop près…


Au fur et à mesure de son avance, il lui sembla que la température montait. Orclé avait maintenant assez chaud. Un peu trop pour une fin d’après-midi d’octobre.
Il parvint à la pointe est de l’Agora, juste à son entrée principale, à la limite du centre-ville. Le boulevard de la mort l’avait mené droit vers le nuage.
Et là, à une cinquantaine de mètres, il y avait une camionnette dont l’avant se perdait dans la fumée grise. Et cet avant avait tout bonnement fondu, totalement, comme une flaque noirâtre répandue au sol !

Orclé transpirait face à ce spectacle de désolation, la chaleur suffocante faisait perler des gouttes de sueurs sur son visage.

-Babylone est détruite, à jamais je l'espère. Sûrement le bon moment pour retourner aux sources et commencer l'I-tal*. Quoi que les lieux ne le permettent pas vraiment.

Il observa lentement les immeubles détruits, brûlant encore d'un feu alimenté par la vengeance, la vengeance de la nature contre l'Homme, l'Homme et son peuple rongé par l'avidité du pouvoir au détriment du respect de notre mère à tous: la Terre.

-Quelques milliers d'années pour revenir en arrière, le Jugement s'est fait sans injustice.

Orclé repensa a ses idéaux, un monde libre où les humains s'aimeraient sans prendre en compte leur porte feuille et leur intégration dans un quelconque système de consommation et de répression.

-Est-ce un nouveau début? Ou bien le début de la fin? J'ose espérer que la punition s'est terminée et qu'on puisse repartir sur de bonnes bases... J'ose espérer.

Parait-il que c'est dans l'erreur que l'on apprend, l'erreur a été sanctionnée, mais les hommes en prendront-ils conscience?
Toutes ses pensées philosophiques prirent fin lorsqu'il sentit l'odeur de caoutchouc brûlé. Il aperçut le camion dont l'avant avait fondu dans un liquide noirâtre et luisant.

-Ça chicane mèche ici. On dirait que quelqu'un à augmenté le thermostat façon volcan.

Il se dirigea vers le sud, longeant toujours la couronne du centre-ville en passant par l’extrémité est de l’Agora school. Les bâtiments scolaires n’avaient pas résisté à la catastrophe, il devait en être de même pour ces pauvres étudiants. Cela lui rappela un proverbe amérindien auquel sa mère se référençait souvent.
« L’humanité disparaitra car nous cherchons la connaissance, pas la sagesse. Les connaissances concernent le passé, la sagesse l’avenir. »

Il continua sa marche et se concentra sur son environnement, à l’affût d’un quelconque danger.



*I-tal: Régime dont les aliments principaux sont du riz, des fruits, des racines, des graines et des légumes. Ce régime exclut toute nourriture non biologique.

Sur son chemin, Orclé laissait des questions en suspens.
Maman Terre semblait bien vénèr ces temps-ci. Etait-ce le réveil de forces immémoriales ? Ou les dernières bouffées de chaleur d’une Création ménopausée ?

Il passait entre les signes les plus visibles du paraître et de la consommation : toutes ces bagnoles cramées. Et le panneau publicitaire d’un bienveillant fournisseur de polluants qui achevait aussi de se consumer : "Pour un monde plus bio…"

Mais le Babylon System était-il vraiment mort aujourd’hui ?

Quand un bruit de pas droit devant attira son attention… quelqu’un approchait. Et là, il les vit, au prochain carrefour. Deux silhouettes.




En y regardant mieux, il sembla à Orclé que l’homme portait une arme au côté et un gilet pare-balles, au bleu des forces de l’ordre… Il fallait qu’il tombe sur des flics !
Mais s’il aurait peut-être tiré sur le shérif, jamais il ne voudrait tirer sur son adjoint. "Oh No No Nooo !"
C’était une meuf plutôt bien roulée… pour un keuf !

Depuis qu'ils avaient quitté le comissariat, Luka n'avait plus que ses enfants en tête. L'inspecteur ne pouvait se pardonner d'avoir dévié un peu de ses principes. Il aurait dû courir à leur secour la veille, au lieu de partir avec Alice et Wolf.

J'espère qu'ils vont bien ces deux-là...

Alice lui rappelait tellement sa propre fille....
Ils continuaient de courir, encore quelques centaine de mètres...

A mesure qu'ils avançaient dans les rues désertes et détruites, un autre aurait pu vite perdre espoir. Mais pas l'inspecteur. C'était la seule chose à laquelle il pouvait se raccrocher.

D'abord l'école, ensuite direction l'hopital

Mais qui disait hopital, disait aussi centre ville. Et ce que Luka en avait vu n'était guère réjouissant. Le centre semblait être l'épicentre de tout....

- Encore quelques rues et nous y sommes, dit-il à l'intention d'Elena

Luka avait le regard fixé sur son objectif, son sac sur l'épaule.

En se dirigeant vers l’entrée principale de l'Agora, la plus proche du commissariat, ils s’étaient encore rapprochés du centre-ville. C’est en longeant le nuage de poussière qu’ils réalisèrent à quel point il faisait chaud ici. Et tout ce qu’ils pouvaient apercevoir aux frontières de la brume flambait encore, ou bien grésillait en émettant des vapeurs méphitiques.
Voilà qui était très inquiétant pour la suite de son périple…

Elena s’épongea le front en acquiescant. Elle affichait une détermination identique à celle de l’inspecteur.
Une petite marche forcée n’était pas pour lui faire peur, mais elle jetait des regards suspicieux vers la masse de brouillard fumant.

- « Dites, vous trouvez ça normal vous, cette chaleur ? …On dirait que ça vient du centre, non ? »

Orclé s'appuya avec les avants-bras sur l'espèce de van carbonisé qui gisait à quelques pas de lui. Il ne quitta pas des yeux le duo de flics qui traversaient un peu plus loin. Il se mit à raisonner à voix basse, parlant pour lui même:

-Putains! pourquoi faut-il que ce soit des shmits qui survivent?

Tout en continuant ses réflexions sur le pour et le contre d'aller à leur rencontre, il faisait le tour du van pour ne pas les perdre de vue. Ne voyant pas de raison apparente pour négliger leur aide, il enleva ses bras de la carrosserie cramoisie du véhicule et se mit bien en vue au centre de la rue.

-De toute façon je peux très bien avoir perdu mes papiers lors de la catastrophe et dire que je ne suis qu'un simple touriste.

Il leva le bras gauche en l'air, accompagnant son geste d'un "Héooo" qui résonna jusqu'à leurs oreilles avant de s'estomper.

-Qui ne tente rien, n'a rien. Grommela-t-il en regardant les deux policiers se retourner dans sa direction.

Luka courait encore à travers les rues en direction de l'Agor. Il ne sentait même pas la fatigue envahir son corps. Il avait déjà assez perdu de temps à son goût. Il n'avait plus envie de trainer une seule seconde. Pourtant il stoppa net, et mit un bras devant Elena pour lui demander de s'arreter.

- Regardez, dit-il en désignant la rue qui s'étendait sur la droite

Un homme leur faisait signe apparemment.

-Allons voir, proposa Luka, un peu à contre coeur.

- « Ah oui ! Je le vois. »

Enfin un autre survivant ! Ils n’étaient donc pas seuls. Elena était heureuse de voir un jeune homme en vie ; ça lui donnait un peu d’espoir pour son frère. Mince espoir, mais c’était toujours ça.
Et puis elle s’avisa de la tenue du garçon. Il avait quand même un drôle de bonnet…

- « On dirait le fils caché de Bob Marley et de Rigoberta Menchu ! »

Orclé, voyant que les deux flics commençaient à venir vers lui, s’approcha à son tour pour arriver à leur hauteur. Son bonnet aux couleurs criardes faisait ressortir la teinte de sa peau tanée typique des Amérindiens.
Il les salua tout les d’un bref mouvement de tête et prit un ton méfiant :

- Makhpyia Luta. Comme ça que je m’apelle.

Il observa ses deux interlocuteurs avant de reprendre :

-J’ai énorméments de questions, ce n’est pas dans mes habitudes de demander à des pseudos « gardiens de la paix », mais je ne vois pas à qui m’adresser d’autres.

Il regarda tour à tour les ruines qui faisaient de ce paysage un enfer.

-Avez-vous une idée de c’qui à pu se passer dans cette foutue ville ?

Elena répondit d’un hochement de tête à son salut ; en se disant qu’en plus, il avait vraiment un nom à coucher dehors.
Puis elle fronça les sourcils en l’écoutant.
"Pseudo gardiens de la paix ?" – J’ai l’air d’un flic en tenue… ou il cherche les ennuis ?
On dirait que ça lui arrache la gueule de venir nous parler !

- « Des questions, hein ? Nous aussi, on en a plein... Tout ce que je sais, c’est que tu es le deuxième survivant que je rencontre depuis le périphérique. Ca t’en dit assez long sur le problème ? »

Elena était spontanément passé au tutoiement, parce qu’elle ne se voyait pas donner du vous et du monsieur à un gamin de dix ans de moins qu’elle.
Et puis elle avait connu ce genre de types… là-bas. Son accoutrement, son petit problème avec la police… ses yeux bien rouges aussi !

- « Et apparemment, le centre de cette "foutue ville" a l’air salement touché… comme t'auras remarqué. Désolé de pas pouvoir t'en dire beaucoup plus. »

Elle jeta un œil en coin à Luka, un peu gênée. Elle savait qu’il n’était probablement pas d’humeur à la causette.

- « Il fait vraiment une chaleur à crever, ici ! », s’exclama-t-elle en se passant de nouveau l’avant-bras sur le front. - « Nous, on allait chercher des survivants à l'Agora. T'as vu quelque chose ? »

Orclé ne semblait pas gêné par le ton employé par la femme. Là où il habitait auparavant, la politesse n'était pas chose courante, et encore moins chez les flics.
Il se retourna dans la direction de l'Agora.

-Ouais j'ai vu... Des cadavres, des ruines. Ensuite encore des cadavres, et d'autres ruines. Je pense pas qu'un seul phone fonctionne encore dans le coin.

Le jeune homme parut hésiter avant de reprendre la parole, incertain de ce qu'il allait dire.

-J'pense que j'vais vous suivre, votre compagnie vaudra d'jà mieux que celle des morts.

Un léger sourire sarcastique apparut brièvement sur le visage d'Orclé. Et dire qu'il fallait tomber sur EUX, c'est vraiment la poisse.

-Enfin, si ça dérange personne...

Il jeta un coup d'oeil interrogatif aux deux personnes face à lui.

Luka avait suivit la conversation aussi bien qu'il le pouvait, mais son esprit était ailleurs. Le centre ville. Le centre de tout. Et l'hopital se trouvait là bas. Les chances étaient minces, mais Luka se voulait otpimiste envers et contre tout.

- Bon et bien allons y, déclara-t-il alors avant de se tourner. l'Agora est juste là devant.

Luka s'en voulait d'avoir été aussi sec, mais le temps pressait plus que tout.

- « En route, alors. T’es adopté, le chef a dit. »

Elle lui fit signe de la tête de les suivre. Le jeune rasta avait aussi droit à de la compagnie, après tout.
Même si Luka avait seulement dû fréquenter ceux que ses collègues lui ramenaient au poste, les poches bien pleines, et qui tiraient pas que sur des sucettes !

Mais si près du quartier étudiant, cela ne devait pas étonner le policier…

Ils approchèrent de l’entrée, une grande arche dont les portes avaient été soufflées.



[Vers l’Agora – 17H ]